jeudi 30 mai 2013

AVEC TOUTES MES AMITIES

         Je coupe un gros chou vert en fines lamelles, je rajoute du lard, des baies de genièvre, des quartiers de citrons, du gingembre, du vin blanc, et je jette le tout dans une marmite où rissolait un poireau émincé avec quelques épices. Je cuisine pour six, avec amour et plaisir. A plusieurs reprises, je suspends mon geste, tant ce que j'entends est beau : Comte-Sponville et Enthoven lisant les Essais de Montaigne et les commentant. Je pleure même, car le tréfonds de mon âme résonne avec plusieurs phrases. Ce sont des pleurs d'émotion, de joie, qui arrivent de manière inopinée, autant au ciné qu'en lisant un Paris Match, ou en regardant une toile. C'est quand mon âme est touchée car elle se sent reconnue ! Oh oui, ça fait du bien de parler le même langage ! De ne pas avoir à se battre pour exprimer ses idées, mais juste d'être. ÊTRE. En résonance totale.
Rencontré à la fac de Lettres, à l'âge de 19 ans, dévastée par la mort de ma maman, et perdue sans doute, Montaigne a été mon père en littérature, mon guide, à la manière d'un maître philosophique ou spirituel. En ne parlant que de lui, il m'a appris à me connaître. J'ai compris à quel point son humilité est grande, bien qu'il ne parle que de lui : il le fait sans fard. Par sa liberté de ton et l'entreprise qu'il s'est donné ("se dépeindre"), il m'a comme libérée. Je poursuis mon chemin à ma manière, et je m'aperçois que je me dirige comme lui, vers la connaissance de moi-même et la rédaction d'essais, vers ce qui est ma raison d'être, au sens "destinée". 
Et bien 15 ans après, il répond toujours à mes questions, ce vieux Montaigne ! Quand on est sincère au plus profond de soi, on atteint l'intemporalité, n'est-ce pas ? Il dit la vérité car il dit sa vérité. Il ne cherche d'ailleurs pas la vérité, il dit que "rien n'est certain". Pas de dogme et de grand système de pensée, car l'homme est "mouvant".
Oui, ce matin, je me questionnais à propos de l'amitié, et du cas de figure suivant : une bonne amie ne daigne pas répondre à mes messages, depuis plusieurs mois, sans raison évoquée, malgré mes questions. Je trouve cela triste, comme quelque chose de chouette qui est laissé de côté, et qui prive deux personnes. La vie est trop courte pour faire bêtement la gueule, non ?! C'est bien une chose que je n'ai jamais fait, et que je trouve vain ! Comme par hasard, une des premières phrases que j'entends entre deux éminçages de chou, est :
"Sans amitié, personne ne choisirait de vivre" (Aristote). 
Elle me touche au coeur, évidemment. Pour moi, rien n'est plus important que l'amour partagé sur cette terre, et nos amis et proches en sont la manière la plus incarnée possible de vivre cette félicité au quotidien. Comprenez moi bien, je parle de simplicité et de profondeur du partage, par divers biais : prendre un thé, bavarder, aller marcher ensemble, consoler, être consolé, écouter, parler, échanger. Être là pour son ami. Répondre quand il appelle. Le respecter dans ce qu'il est. S'accepter mutuellement, dans les similitudes et les différences. On se fait grandir.
J'ai la chance d'avoir beaucoup d'amis, de toutes sortes, et j'aime nourrir chacune de ces amitiés de la façon la plus spontanée qui me vient. Chacun de ces amitiés est précieuse pour moi. Avec l'une, ce sera de parler de philosophie et de littérature, avec l'autre, de partager une affection purement câline et maternelle, comme inconditionnelle, avec un autre ce sera des échanges de services pratiques, qui font que l'on sait que l'on peut toujours compter sur l'autre, avec une ou deux autres, ce sera une connaissance mutuelle accrue par le nombre des années et la confiance que l'on fait à l'autre pour se confier sans être jugée...  etc...
Qu'est-ce qu'un bon ami ? Ou une vraie amitié ? être reconnue pour soi-même, et capable d'être libre d'être soi, au contact de l'autre. Avoir plusieurs bons amis est un cadeau, car on va pouvoir développer avec chacun une facette de nous-même, différente selon le type de relation. Avoir un très bon ami se gagne par le temps et l'importance que l'on fait à cette relation dans sa vie : je crois que les très bons amis se comptent sur les doigts d'une main. Une amitié est une relation à deux sens, les deux individus nourrissant, chacun à sa manière, le lien, comme une plante verte qui pousse vers le ciel, et que tour à tour, chacun arrose.
Être amis est un choix, une sorte de roc parmi les tourbillons de la vie. On change d'amis, au gré de nos évolutions, et puis on en garde certains, ad vitam aeternam, on en a l'intuition. 
Ce qui fait la beauté de l'amitié est l'échange. 
Montaigne s'accorde avec Aristote, sur le fait qu'une vraie amitié profonde est une joie sans pareille dans la vie. Il a été inspiré pour écrire ses essais à la mort de son cher ami La Boétie, avec qui il avait une communion d'âmes intense. Ce qu'il dit sur eux est bouleversant. 
J'ai toujours pensé qu'il était important de respecter la relation d'amitié, qui est faite d'amour, et que la rompre était dommage, sauf si l'échange ne passe plus. Loyal, fidèle, un ami est un allié, quelqu'un avec qui l'on peut être soi-même, propre parfois à nous sauver de notre marasme, et réciproquement, car celui-là nous aime, en toute simplicité.
J'ai un profond respect pour la relation amicale, et me dis que celui qui ne l'honore pas, ne s'honore pas lui-même, et qu'il souffre probablement beaucoup. Je suis exigeante, et me sens blessée ou fâchée, par exemple, de ne pas avoir de réponse de mon amie. Je trouve cela peu respectueux, et tarit l'envie que j'ai de partager avec elle. Ne s'aime-t-elle donc que trop peu pour comprendre que son amitié est une richesse pour quelqu'un d'autre ? Mais pour être précieux pour quelqu'un, ne faut-il pas le vivre, le dire, le montrer ? La plante dépérira si l'un arrête d'arroser, sans explication, laissant le champ des "expectations" ouvert.



Je dédie ce texte à tous mes amis, qui eux seuls, sauront se reconnaître.

                                                                                                                                                        EM



TABOULé AU PAMPLEMOUSSE ET MENTHE DU JARDIN

        Que faire avec toute cette menthe ? vous dites vous souvent en regardant l'énorme buisson qui pousse dans votre jardin (ou à défaut, le gros bouquet acheté au marché).



La menthe révèle son parfum dans de délicieux thés à la menthe (que je bois à longueur de journée, sans thé noir ou vert, juste de la menthe, et un morceau de gingembre frais), ou alors, crue, émincée, dans une salade.

J'avais ces quelques ingrédients sous la main, ainsi qu'un bloc de féta et des tomates séchées à l'huile au frigo.


Ingrédients : 
- boulgour complet bio
- un bouquet de menthe ciselée (ne pas hésiter à mettre la dose, comme le vrai taboulé libanais)
- pamplemousse : le jus + la pulpe
- féta émiettée à la main
- tomates cerises et séchées
- sel, poivre, vinaigre de framboise, huile d'olive, paprika.

Recette :
Laissez refroidir le boulgour que vous venez de cuire (al dente), puis mélangez tous les ingrédients ensemble. Laissez mariner votre taboulé au moins 2 h avant de servir.




   Enjoy !                                                                                                   EM                                                                                                                                                                                             

samedi 25 mai 2013

LAISSEZ NOUS NOS SEINS ! ou vision socio-reflexive du cancer en occident

     Angelina Jolie s'est faite amputer de ses deux seins, préventivement. Ce titre m'interpelle tant,  en devanture du tabac presse, que je m'arrête pour feuilleter l'article. Va-t-on bientôt se faire enlever le cerveau afin de prévenir toute tumeur au cerveau ?
Pour Angelina, en plus, les deux sont liés... son intelligence ("intelligence physique") ne se se situait-elle pas dans ses deux seins, justement ? Quel acte terrifiant, pour une femme, qui plus est, quand elle est publique et connue pour sa plastique ! Son acte est taxé de "héroïque" par la presse, celui d'une "guerrière". Moi, il me choque, et j'éprouve de la compassion. Chacun est libre pour lui-même, de faire ce que bon lui semble. Jusqu'à se mutiler si ça le rassure.



                                       



      Pensez-vous qu'enlever une partie du corps va supprimer l'éventualité de la maladie ? Si la maladie, comme on le sait en médecine chinoise ou ayurvédique, n'est qu'un exutoire du corps afin de retrouver l'équilibre, si le signal est pris en compte ; alors se débarrasser de l'organe enlève juste la possibilité d'exprimer ce déséquilibre, mais ne résout nullement le problème. La médecine moderne se laisse entraîner dans des débordements extrêmes... et le corps devient une machine que l'on pense pouvoir réparer comme une voiture, sans nulle considération pour l'entité que nous sommes : âme -corps-esprit. A-t-on tant versé dans le matérialisme comme philosophie de vie, que même la maladie, on pense pouvoir la traiter comme une panne de machine à laver ? Allez hop, on change le filtre ! En tout cas, toute sa fortune, à cette belle actrice, ne lui a pas ouvert les portes des thérapies naturelles et des bienfaits de la méditation. Dommage.

                                       


     Ce qui m'a frappé ce matin, en lisant cet article, c'est la vision que l'on a de la maladie en Occident. Le cancer sonne comme une malédiction que l'on fuit. Le mot en lui-même contient une connotation négative. Il fait peur, comme un cancrelat, comme le crabe du zodiaque. Il a la même sonorité que le "cancre" (anagramme qui plus est ) Son étymologie vient du grec karkinos : écrevisse, et en latin signifie "chancre, crabe". 
Alors, il s'agit de prendre une mine contrite et pleine de pitié pour le malade du cancer. Bien plus que pour l'infarctus ou l'hépatite. Le cancer contient en lui une véritable tragédie interne. Au juste, est-ce que cela aide le malade, autant de sérieux ? Pourquoi dramatise-t-on tant cette maladie ?  La maladie existe bien pour une raison, n'est-ce pas ?


                                           


          On peut guérir de tout, comme on peut mourir de tout. On ne meurt d'ailleurs que de la mort. Un tel aura survécu aux camps de concentration et mourra en glissant sur le trottoir, tandis qu'un autre, après trois cancers, mourra d'un accident de ski. Alors, pourquoi ne pas considérer la maladie juste pour ce qu'elle est ? Le symptôme, plus ou moins évident, d'un déséquilibre interne, d'une faiblesse d'immunité, le tout soignable par un rééquilibrage interne. Chacun ses mots pour expliquer cela... mais l'important, n'est-ce pas que cette maladie fasse sens pour le malade ? Pas en terme de culpabilité et de jugement de soi-même, mais au contraire en terme d'acceptation. Bien sûr, la maladie est désagréable, et il est sain de vouloir retrouver la santé au plus vite. Mais pour être débarrassé de quelque chose, ne fait-il pas déjà l'identifier ? En connaître les contours ? Puis en découvrir les causes, afin de cesser de nourrir ce mal à la source ? Oui, cela demande donc pas mal de connaissance de soi-même, et je crois qu'en cette matière, le plus érudit est encore le principal intéressé. Or, nous nous comportons face aux médecins comme s'ils savaient tout mieux que nous-même ce que nous ressentons. Certains mêmes, essaient de culpabiliser le patient d'avoir envie d'être acteur de sa guérison : "qui a fait médecine, ici ?" En matière de cancer, on peut dire que la médecine actuelle, face au taux de mortalité énorme dû au cancers (sauf chez les plus vieux), s'avoue souvent sans réponse, et les médecins parfois démunis appliquent le lourd protocole, faute de mieux. Chimiothérapie, radiothérapie, greffe, etc... qui dans certains cas sont de l'acharnement thérapeutique.

      Ne vous êtes-vous pas déjà demandé comment vous agiriez, si l'on vous dépistait un cancer ? On connait TOUS plusieurs proches qui y sont confrontés. Que feriez-vous, concrètement ? Vers quelles médecines vous tourneriez-vous ? Que feriez-vous de votre vie ? Par qui souhaiteriez vous être entourés ? Où voudriez-vous aller, pour vous retaper ? 
Je pense que rien ne soigne plus que l'amour des proches, de la famille, des amis, des inconnus (une infirmière chaleureuse, qui tient finalement le rôle de maman...), un environnement paisible, une nourriture saine, une nature accueillante, des lectures inspirées, des films drôles et intelligents, de l'écriture chaque jour, des thérapies douces, comme l'acupuncture, l'homéopathie, des plantes, des huiles essentielles, du yoga, natation ou ballades ... etc
Mais tout cela ne sert qu'à restaurer la sérénité intérieure, la paix en soi, afin d'offrir le meilleur terrain au rétablissement. Car ce qui guérit, c'est la vie. Quand la vie prend le pas sur la mort. 

     La maladie s'affronte, seulement une fois acceptée, quand un sens se fait, qui est différent pour chacun, et s'exprimant de diverses manières. On peut déjà tout simplement la prendre comme un excellent prétexte pour s'arrêter et s'occuper de soi. Pour se découvrir mieux, et peut-être réaliser que l'on a pas de temps à perdre pour vivre ce que l'on a envie de vivre profondément. Regardez le nombres de révélations et de déclics qui arrivent quand la vie est menacée !

    Enfin, être malade, n'est ni un drame, ni une honte, ni une malédiction. C'est une expérience de vie, à laquelle la plupart d'entre nous sommes confrontés, aussi sûrement que CHACUN d'entre nous est confronté à la mort, et qui peut être vécue pour ce qu'elle est, sans chercher à en rajouter.
J'ai vu mon père choyer ma mère comme jamais, quand elle a été malade à 40 ans. Aller la voir chaque jour à l'hôpital, à 2h de chez nous, lui peindre et dessiner des tableaux chaque jour. Des preuves d'amour, ma maman en a eu plein, tant et si bien qu'elle est sortie du coma, alors que les médecins la disaient perdue ! Yes, elle est revenue ! She can do it ! Peut-être la volonté de son âme de rester encore un peu....  elle avait des choses à faire, ne serait-ce que nous élever encore un peu, ma soeur et moi. 

    Maintenant, je suis sensible au mot cancer, et il m'a fait peur pendant longtemps, si bien que je peinais à le prononcer... ceci doublé d'une angoisse d'être malade à mon tour... Et  bien, j'ai compris que ma peur cachait surtout un trésor :
une immense envie..... DE VIVRE !!! 
Yallaï. 
om shanti
Shanti shanti Om !

                                                    

                                                                                                                                                                                                                                                 EM

jeudi 23 mai 2013

LOVELY DOLL ou Du rôle de Barbie chez les filles - Essai socio-psycho-ethno-littéraire -

      1983. Recevoir ma première Barbie, vers l’âge de cinq ou six ans fut un véritable enchantement, un rite de passage vers le monde des femmes et marque le début d’une longue histoire d’amour. Mon parrain adoré, sorte de gros papa noël barbu, m’a couverte de Barbies et de tous ses accessoires - mobylette rose à paillettes, avec casque rose, qui a tant fait rire (sans raison !) les adultes autour de moi, cuisine intégrée avec mini canettes de coca dans le frigo, mini casseroles et poêles à frire, Golf cabriolet décapotable tout plastique, piscine, camping-car... Oh, que de réalisations possibles avec mes Barbies ! Elles vivaient dans le monde que j’avais envie d’explorer, et m’ont permis de réaliser mes fantasmes. Elles furent un des catalyseurs qui m’ont délivrée de mes envies consuméristes et superficielles à l’âge adulte, les ayant vécu totalement au travers d’elle ! Barbie vivait le rêve américain, tel qu’il apparaissait à la TV, et était ma porte d’accès à ce monde-là, moi qui évoluais entre un père peintre et une mère psy, à la campagne, mangeant les légumes du jardin et allant à pied à l’école communale.

                              


    Dans un de mes premiers souvenirs avec « elle », le fils d’un ami de mes parents, plus âgé que moi de quelques années, me demande en souriant si ma poupée s’appelle vraiment « Brigitte Bardot ». Ce garçon m’impressionne, il est comme un adulte pour moi, et je le trouve beau. Se moque-t-il ? Je ressens de l’ironie, alors qu’il n’y a qu’amusement et affection. Je me souviens juste avoir rougi et m’être sentie dévoilée dans mes aspirations les plus secrètes, par le biais de ma blonde poupée.
    Salvatrices, initiatrices de la féminité, démiurges de mon monde intérieur, elles étaient les actrices des histoires d’amour passionnelles qui bouillonnaient en moi, tout autant que les que des concrétisations plus pragmatiques comme l’installation de son premier appartement. Elles, elles n’avaient pas à avoir honte : elles étaient, elles vivaient ce que bon leur semblait, ce que mon cœur leur dictait. Des premiers émois aux premiers câlins, ou à la première scène de jalousie. Chacune de ces poupées a dû concentrer une énergie folle en matière de sexualité. Tous mes rêves, mes fantasmes, mes envies de vies futures, toutes mes projections ont été comme emmagasinées dans ce corps rigide ... Tout mon devenir de femme adulte se concentrait dans ce morceau de plastique aux formes protubérantes, vénus Hottentote  du XXème siècle… Totem magique, condensé brut de chair imaginative et débridée, Barbie, avec ses longues jambes, ses beaux seins et son maquillage tatoué à vie, est une héroïne d’Almodovar, déesse de la féminité outrancière et icône pour gay. Cette féminité si outrée qu’on ne peut qu’en jouer. Ce paroxysme a infusé en moi, libérant un côté insouciant car heureux d’être, de la femme jolie et qui aime séduire. Barbie incarne le concept de la beauté pour une petite fille occidentale. Physiquement, cette poupée m’a peut-être un peu modelée. Je l’ai tenue dans mes mains pendant de nombreuses années, comme un morceau de glaise auquel je donnais une forme ; Dieu, faites que mes seins soient comme les siens, que mes jambes soient aussi longues, que mes cheveux soient aussi blonds et longs ! Et Dieu créa la femme !
    Je n’avais que deux Ken, le mâle de la Barbie, en comptant celui de ma sœur. Nous composions donc avec deux hommes pour vingt femmes, notre cheptel au total. Le Ken étant rare à Noël, car présentant finalement un intérêt réduit – pas de cheveux à coiffer, pas de formes arrondies à parer, bref, il ne m’amusait pas du tout. Les histoires s’en ressentaient forcément : bagarres et manigances allaient bon train, car du fait de sa rareté, Ken avait le privilège d’être très demandé. Sa vie n’était pas si rose (couleur de son nœud papillon), son rôle se limitant à être un faire-valoir pour la plus belle Barbie, lors de sorties chics. Il avait tout de même la chance de participer à quelques ébats amoureux avec elle, où avec mes petites voisines, nous nous échangions tous les secrets sexuels que nous connaissions. Barbie était libre de tout faire, et elle s’en donnait à cœur joie, à deux, trois ou plusieurs !
   Mais alors, devient-on comme Barbie en grandissant ? 




     Pour ma part, à vingt ans, mes cheveux étaient longs, ondulés et blonds (grâce aussi à quelques mèches), mes seins opulents, mes jambes minces, un sourire collé sur mon visage maquillé. De là à dire que je ressemblais à Barbie, non. Mais tout de même, je me rapprochais de ce canon de beauté qui m’avait modelé inconsciemment. La douceur de la femme qui cherche à plaire et à satisfaire son partenaire, était-ce Barbie ? Sans nul doute, je m’en approchais aussi.       
    Quand je pense à une amie américaine, danseuse et plasticienne, blonde au corps massif, longues Dread locks piquées d’ossements d’animaux, piercing à tous les étages, venant des froides montagne de l’Oregon, aimant vivre nue, ne s’étant jamais épilée de sa vie… qui, pour son premier jour en Fac à Berkeley, tombe sur une ancienne camarade d’école primaire, qui lui saute dessus en lui demandant : est-ce bien toi, Jess, celle qui avait la Barbie Dream House ?! J’ai éclaté de rire, imaginant ma grande Viking jouant de tout son cœur avec sa maison de rêve rose…


    Barbie est comme tout le reste. Pour en extraire sa substantifique moëlle, il suffit juste de ne point en abuser, de rester ouvert à d’autres jeux, de continuer à construire des cabanes dans les bois. Avec elle, on explore sa féminité, dans son archétype le plus marqué. Je « jouais » avec toute mon âme, et les histoires étaient « entièrement vraies, puisque je les avais imaginées d’un bout à l’autre* ».
 J’ai été Barbie, ou plutôt, Barbie a été moi.

                                                                                                                           EM « chevelure magique »


*pour reprendre les mots de Boris Vian

mercredi 22 mai 2013

QUAND LE JAZZ S'EN MÊLE... ou synchronicités jungiennes

     Jung parle de "synchronicité" pour évoquer ces "coïncidences" qui nous arrivent parfois et auxquelles nous sommes libres ou non de donner du sens. Que nous relevons ou pas. 
L'exemple connu que Jung utilise pour exprimer son idée, est celui du Scarabée. En effet, l'analyse d'une de ses patientes patinait, en proie à un blocage rationalisant. Elle lui racontait le rêve qu'elle avait fait dans lequel elle recevait un scarabée d'or, quant au même moment, un bruit se fait entendre contre la fenêtre. "Le voilà, votre scarabée !" lui lance Jung en attrapant l'insecte qui vient de se cogner contre la vitre. Il s'agissait d'une cétoine dorée, version européenne du scarabée d'or. Cette patiente, si cartésienne, avait sans doute besoin d'un déclic parlant pour la libérer de ses carcans,  et s'autoriser à CROIRE. Croire en la vie, lui faire confiance, en réalisant que l'univers pourvoit à tout, pour peu que l'on soit connecté à lui.


                        

    La magie de la vie est ténue. Sachez la reconnaître. Ne vous laissez pas influencer par les sceptiques qui vous répondront qu'une telle coïncidence n'est que le fruit du hasard, qu'il ne s'agit que de votre propre interprétation, ce qui équivaut à dire que l'on peut faire parler chaque événement de la vie à notre guise. Alors que là, il s'agit de synchronicité.

    Ainsi, hier soir dans la voiture, nous entendons une musique jazz reggae, qui met mon amie en joie. Son enthousiasme me gagne et nous apprenons qu'il s'agit de Winston Mc Anuff. "Je crois que je l'ai vu en concert..." Je réfléchis un peu... Et tout à coup, illumination ! avec une joie et une énergie soudain décuplée : "J'avais adoré son concert il y a deux ans à La Réunion, j'ai même bavardé avec lui à la fin ! Nous avions parlé de New York et il m'avait donné envie d'y aller, pour écouter du jazz !" Au même moment, l'animateur se met à le questionner, et il évoque son amour du Maloya, découvert lors de sa tournée à La Réunion, et son travail avec Lindigo, un groupe de ma ville que je connais très bien. Tout ça hier, jour où j'ai pris la décision de retourner à La Réunion, car mon Île me manque.
Quel sens puis-je donner à cela ? Et bien, déjà, la coïncidence m'a frappé suffisamment pour que le la note. Puis, elle m'a rendu joyeuse. J'en déduis que ce qui touche à La Réunion me rend heureuse, alors qu'il est sans doute légitime que j'ai envie de m'y réinstaller. 
Oui, les signes de la vie nous apparaissent parfois après coup comme quantité négligeable... Mais qui a dit que les choses belles devaient être énormes ? De plus, l'important est l'énergie que nous ressentons au moment où cela arrive. Alors, oui, je peux l'interpréter, mais cela n'enlève rien à l'apparition de la simultanéité du désir intérieur et de l'évènement extérieur. C'est CELA qui est notable. J'aime avancer dans la vie avec les signes et les impressions qu'ils déclenchent en moi, afin de tracer ma route le plus possible dans la juste direction.

     La synchronicité n'est pas du domaine de la pensée. Elle est du domaine du fait, de l'acte. Il n'y a pas à convaincre, à être d'accord ou pas. Car c'est. Comme la foi selon Montaigne, au-delà de toute argumentation. C'est un ressenti, comme dans une posture de yoga où tout à coup, on a une étincelle de conscience, et que l'on sent la vie en soi, qu'on se sent un avec l'univers.  La synchronicité nous révèle une partie de nous même, elle nous fait apparaître notre monde intérieur, que nous découvrons chaque jour. L'univers met deux choses similaires côte à côte afin que nous les voyions bien. Impossible de les rater, car il les remettra sur notre chemin, encore et encore. La chose importante est que ces choses résonnent avec un désir à l'intérieur de nous, ou avec une facette de notre personne.

     Le jour où je suis partie de La Réunion, une petite chatte que j'adorais s'est faite écrasée. Je sais au plus profond de moi qu'il s'agit d'une synchronicité. Mais elle m'a tellement attristée, et j'étais si déracinée en Californie, que loin de mes repères, j'ai eu du mal à me connecter suffisamment à moi pour en comprendre le sens. Maintenant, cela me laisse toujours un peu pensive. Je crois que cette chatte représentait ma joie de vivre, mon insouciance, et que je l'ai perdu en partant. Me retrouver dans un mode de vie si consumériste, si loin de moi, était une violente gifle. Cette joie, Dieu merci, est toujours là. Mais la magie du lagon, du soleil, du plaisir simple de dorer mon corps au soleil, me manque.  Bien sûr, si je suis partie, c'est pour une bonne raison, pour trouver ce qui me manquait. Je crois que j'avance de ce côté là, avec les grandes décisions de vie que je suis en train de prendre, et qui m'enchantent. Je cherche juste une vie simple et protégée, au contact de la nature et des hommes bons, où je puisse créer autant que je le veux, aimer et échanger. Et s'il faut faire des sauts à NY deux fois par an, je crois que c'est tout à fait possible. Me réunir en quelque sorte. Réunifier ces facettes de moi qui ne demandent qu'à vivre en harmonie, et tant pis si ce n'est pas conventionnel, car ma seule convention est de vivre MA vie avant de partir !
Et vous, je vous souhaite de tout mon coeur de vous battre pour vivre VOTRE vie. Elle vaut la peine.
                                                                                                                        EM


                                                                                                                 
OLé !