lundi 23 septembre 2013

L'HISTOIRE D'ALI (Part.16)

     Vendredi soir. TGV, voiture 16.
     "Ce que les autres te reprochent, cultive-le, c'est toi", lut Ali sur le calendrier posé sur le comptoir. C'était une citation de Jean Cocteau.
"Il n'a pas dit que des conneries, ce bon vieux pédéraste..." songea Ali, en payant sa bouteille d'eau au wagon bar. 

   Ali se sentait important, dans ce train en direction de Lille. Il se savait attendu par le groupe, et rien que cette idée l'enchantait. C'est précieux, d'être attendu. De se sentir utile, aussi. Finalement, se sentir utile, c'est aussi faire ce qu'on aime faire, car ce qu'on aime faire, on le fait bien. Ali se forçait de plus en plus dans sa boîte d'assurances, et il se faisait souvent reprendre par son responsable. " Moins performant, ce mois-ci", lui avait-il asséné. Ce qui n'avait même pas fait ciller le jeune homme. Il s'en contre fichait éperdument. Pourtant, Ali n'aimait pas déplaire et déranger. Il avait l'habitude de passer inaperçu. La discrétion faite homme. Long profil acéré, yeux bruns, cheveux sombres, teint doucement hâlé, mince, musclé, mais rien d'ostentatoire. Il ne comprenait jamais pourquoi il plaisait à certaines filles. Il se disait toujours qu'elles allaient s'apercevoir de la supercherie au  bout de quelques jours, voir quelques heures. 

   Au travail, il se demandait comment Brice, son "chef", pouvait une seconde croire aux "produits" qu'il vendait. "On vend la sécurité, Ali, ne l'oublie jamais. Et la sécurité de ses proches et de ses biens n'a pas de prix." Ali avait beau essayer, il n'y croyait pas. Pour ce qu'il s'en fichait de savoir que l'appartement qu'il louait était assuré contre les sinistres, que sa voiture était "tous risques", que sa franchise pare-brise était peu élevée... A force de ne parler que de ça toute la journée, de tenter de convaincre des clients heure après heure qu'il était utile, voire nécessaire d'assurer la moindre parcelle de sa vie, afin d'en éliminer l'imprévu, il finissait pas tomber dans l'absurde. "Comme si l'on contrôlait tout ! se retenait-il souvent de leur dire. Laissez la vie faire son oeuvre ! Ce n'est pas parce que vous avez la meilleure assurance santé du pays que vous ne mourrez pas !" Ali pensait que dans ce monde aseptisé, que l'on se figurait maîtriser à merveille, leurs coûteuses assurances étaient bien vaines, mais fort lucratives !

   Il avait hâte d'arriver et de jouer de la guitare. Il avait l'impression de se retenir de respirer toute la semaine, et de prendre une grande bouffée d'oxygène le week end. 
   Il se demanda ce que les autres lui reprochaient. Quels défauts lui reprochait-on souvent ? D'être silencieux, dans la lune, défaitiste ? Branleur ? Terne ? Non ! Pouvait-on reprocher à quelqu'un son manque d'éclat ?! Sérieusement ! Ce que les autres vous reprochent, c'est ce qui les irritent, ce contre quoi ils luttent insidieusement...  ou alors ce qui leur fait envie sans se l'avouer. "Tu es bien excité, aujourd'hui, lui avait lancé Elise, la secrétaire, avec son air sardonique, quand il était venu faire ses photocopies en chantonnant, le matin-même. En fait, Ali eut de la peine à se remémorer ce que ses proches ou collègues ou copines lui reprochaient. Non pas qu'il soit parfait ! En fait, il n'avait besoin de personne pour se critiquer, il était son pire ennemi. "Drôle de constat, songea-t-il en laissant son regard dériver sur le paysage plat. Il serait peut-être temps de m'apprécier comme je suis..." Il tapota le boîtier de sa guitare du bout des doigts avec petit air satisfait... Une fois n'est pas coutume !

                                                                                                                                                       EM

lundi 16 septembre 2013

L'HISTOIRE D'ALI (Part.15)

    Le lundi matin, après une nuit éprouvante et un réveil aux aurores, où il se dit qu'il avait raté sa vie, Ali commençait à retrouver sa raison en buvant un bon café. Il s'inquiétait beaucoup pour son avenir, et n'arrivait pas à se projeter positivement. Il se demandait pourquoi il allait à ce travail, même pas bien payé, qui lui permettait certes de payer son loyer et sa voiture, mais le maintenait prisonnier également. Il sentait qu'il ne pouvait compter que sur lui, quoiqu'il entreprenne. Il n'avait pas d'économies devant lui, et sa mère en mourant ne lui avait pas laissé grand chose. Le notaire leur avait bien dit, à son frère et à lui, qu'ils étaient propriétaires de l'appartement, mais son père habitait dedans, et ce probablement jusqu'à sa mort, en répétant que c'était chez lui à qui voulait l'entendre, comme si cela avait été contesté. Ali ne comprenait pas bien son attitude, mais se disait qu'il devait avoir peur d'être mis à la porte pour agir ainsi. Le patrimoine n'est-ce pas quelque chose que l'on se transmet, par définition ? On aurait dit que Youssef se faisait une joie de voir ses fils trimer, en baver dans la vie, et que les voir heureux l'excédait au plus haut point. 

    Depuis l'enterrement, Ali n'avait guère remit les pieds dans ce lieu, hanté de mauvais souvenirs. Il aurait aimé pouvoir y rester tranquillement de temps à autre, afin de boire un café avec Youssef, mais la réalité le rattrapait toujours : il se faisait agresser par le vieux en moins de deux. Youssef avait appris par la fille d'une voisine qu'Ali avait donné quelques concerts, mais il n'en laissa rien voir à Ali, se gardant bien d'évoquer le sujet. Il avait lui-même une grande blessure vis-à-vis de la musique : elle avait été source de frustration, puisqu'il avait arrêté sa carrière qui commençait à peine. Il disait que c'était par sacrifice pour sa famille, mais il savait bien que c'était de l'auto-conviction. Il n'avait pas assez cru en lui, tout simplement. Non pas qu'Ali crut fermement en ses propres talents, mais au moins, il ne plaçait pas la barre trop haute. Tant qu'il jouait avec d'autres, il était heureux. Le reste, il s'en moquait. Jouer avec Simone était un cadeau des dieux, et il comptait bien en profiter au maximum !

    C'est avec le sourire qu'il monta dans sa voiture ce matin, en chantonnant la dernière chanson de Simone.

Chorus
Vive les anti-héros,
ceux qui ratent tout,
et se plantent,
c'est si beau-au.
Moi je les aime, ils m'inspirent
Quand je les vois, je respire,
Mes demi-dieux du ratage,
Complices de tous les sacages
De l'ego-o !

Couplet 1
Ils ont cette nonchalance,
dans les pas, le mouvement,
qui rappelle la juste cadence,
celle où l'on prend son temps.
Et puis quoi ? qui a dit qu'il fallait être riche
Pour avoir réussi sa vie ?
Qui a dit, qu'il fallait sourire tout le temps,
Etre un employé modèle,
Une machine de guerre au bureau,
Marié, 2 gosses, un pavillon
un quat' quat',un écran géant dans le salon ?

Couplet 2
Un peu d'imperfection - pas juste passer pour un con-,
ne nuit pas- a!
Pourquoi se mettre la pression
se comparer, s'écorner,
quand tout ce qu'on essaie de faire,
c'est de trouver son bonheur ?
L'imperfection devient belle,
elle fait de nous des êtres entiers,
plein d'aspérités où s'accrocher,
pour grimper au sommet,
de l'humanité -é.

Chorus

Couplet 3
Regarde ta vie, contemple là
Qu'as tu fait de tes dix doigts ?
As-tu aimé autant que tu le souhaitais ?
Pris du bon temps, profité ?
Rate encore mon ami,
Fais comme disait Beckett,
"Essaie, rate, essaie encore,
Rate encore, rate mieux"
Ouais, toi ya pas, t'es mon dieu -eu*.

                                                                                                                                                   EM


*Tous droits réservés.



mercredi 11 septembre 2013

LES HORMONES EN FOLIE

     Quand je pense au scandale que le Distilbène - médicament que l'on a donné aux femmes susceptibles de faire des fausses couches - a provoqué, je me dis que nous ne prenons pas vraiment de leçons des expériences passées. Oui, car quand l'on pense que le Distilbène est un oestrogène de synthèse cousin du Bisphénol A, on comprend un peu mieux pourquoi autant de couples peinent à avoir des enfants ! Le Bisphénol A, souvenez-vous, était détecté dans la plupart des contenants plastiques sur le marché, et a été interdit pour les biberons. C'est léger, tout de même ! Alors utilisons des contenants en verre, c'est simple, sain et économique. 

   Et la pilule ? Oui, c'est pratique, j'en conviens, mais ne devrait pas être utilisée toute sa vie de femme... ce sont des hormones de synthèse, et le récent scandale des pilules de 3ème génération a fait remonter en France l'utilisation du stérilet. Et oui, elle provoquent des embolies et des phlébites, rien que ça...

     Pensons à la concentration hormonale dans la viande de porc, de boeuf, de poulet... et revenons en à une consommation raisonnée : pas du tout ou une fois par semaine, mais qui vient de la ferme.

    Tous ces dérèglements de poids, sont beaucoup dus aux hormones. Rien qu'à regarder le tour de taille,  des plis de gras dans le dos, la nuque massive, l'aspect "gonflé" de certains enfants et ado, on peut en déduire du cocktail d'hormones qu'ils ingurgitent sans le savoir... 

    Une étude récente du biologiste Valter Longo démontre que le jeûne est facteur de guérison dans le cas de cancer. Ainsi, sa technique est reprise par bon nombres de patients : il s'agit d'un jeûne 3 jour avant la séance de chimiothérapie, et un après. Les résultats sont excellents. Ce qui corrobore la thèse que l'alimentation joue de manière directe sur notre santé.
    Evidemment, cela s'accompagne d'un régime équilibré et surtout, le plus simple possible : aliments locaux, pas traités, céréales complètes, pas ou peu de sucres rapides, et CUISINES à la maison. 
    
   Mon séjour en métropole, dans une charmante petite ville, me permet de sentir le mode de vie ici. Et bien que l'on soit à la campagne, au plus profond de la belle Bourgogne, je suis sidérée par le nombre de supermarchés et par le contenu des chariots. Alors que nous avons des arbres fruitiers partout, des légumes, de beaux produits régionaux et de la ferme (fromages de chèvres), les gens préfèrent acheter des desserts tout fait, du fromage sous blister, du pain de mie Harris. J'ai un bel échantillon à domicile, puisque nous sommes une vingtaine à vivre ensemble dans de grandes villas en colocation, et je vois ce que les français mangent au quotidien. Steaks surgelés et pâtes blanches au fromage râpé, Mac Do, des légumes parfois : toujours en sachet surgelés, des yaourts, crèmes dessert, baguette blanche, jus d'orange en brique, café toute la journée, charcuterie sous blister, quiches sous vide (et même des hot dog sous vide, je ne savais pas que ça existait)... et c'est TOUS les jours... Le petit déj ? Des céréales Kellogs fourrés au chocolat arrosés de lait en brique aux hormones... Bien sûr, le tout chauffé au micro onde, et arrosé de sauces ketchup, mayo, barbecue... 
    Les déchets dans notre maison sont énormes. Bien sûr, pas de compost, et des emballages plastiques qui prennent de la place. C'est aberrant, moi, je ne PEUX pas vivre ainsi à long terme, je trouve cela déprimant. 

   N'ayant pas la TV depuis 15 ans, j'ai réalisé hier soir en la regardant, combien c'est elle qui influence notre société à vivre ainsi. C'est un autre monde, une autre galaxie, ou les pubs, les séries, les mini-séries et les réality show nous montre des émotions frelatées, exagérées, déconnectées de la vérité... ou aucun sujet important et profond qui touche l'homme n'est abordé. On ne parle que du superflu, jamais de la source de ce qui nous fait hommes, vivants sur cette planète. Attention, comprenez-moi bien, j 'aime le média, j'aime les films, j'aime l'image, mais je n'aime pas cette surenchère d'émissions débiles qui remplissent les grilles de programmes maintenant. Je n'aime pas les infos non plus. Ce ton de commisération, censé nous faire croire que l'on est bien heureux, le cul calé dans notre canapé à manger des Magnum, à regarder le violeur en série se faire arrêter, ou encore plus abstrait, les victimes d'un attentat à l'autre bout de la planète...  C'est illusoire et nous rend parano. Ah, ça, on est au courant de l'actualité ! Ah oui ! Mais pour quoi faire ? Avoir le cerveau rempli de bêtises qui nous polluent et nous font voir le monde sous un jour pessimiste ? C'est sûr que le premier réflexe pour se sentir mieux, c'est : .....devinez ?!           
ACHETER.
Encore.
Toujours plus.
Tiens, ça donne me donne faim, et si on allait au Mac Do ?


Allez, sans rancune,


                                                                                                                                                        EM

dimanche 8 septembre 2013

L'HISTOIRE D'ALI (Part.14)

   Les concerts du dimanche, dans ce bar chalonnais, étaient une réussite, et le dernier attira tant de monde que le patron les félicita, leur disant qu'il avait fait un excellent chiffre grâce à eux, et leur donna même un supplément d'argent.
Ali se sentait vivant comme jamais, lors des concerts. Il aurait pu jouer devant une seule personne, il s'en fichait, tant qu'il avait sa guitare dans les mains.
   Simone partait en tournée dans le nord de la France, pour deux mois, dans des bars où elle avait des dates, avec de petits cachets. Elle lui avait expliqué qu'elle s'était concocté un itinéraire qui lui permettait de voir en même temps ses amis, et passer à chaque fois une petite semaine sur place. Ali avait peur qu'elle ne lui manque trop, ou plutôt que leur collaboration artistique lui manque. Mais que faire ? Il avait son travail, il ne pouvait partir ainsi... Il se sentait bloqué, stagnant, immobilisé. Mais que faire ? Il se répétait mille fois par jour cette question, qui ne l'aidait pas à avancer. Il venait de recevoir sa 3ème contravention du mois, pour léger excès de vitesse, et avait l'impression que conduire était devenu un piège. Il se demandait s'il y avait un monde plus facile que celui-ci, un monde souple et doux, où les choses se passent comme on le désire, avec facilité et simplicité. "Merde ! pensa-t-il, j'ai quand même envie de la vivre, cette putain de vie ! Et puis, le plus je me sens victime, le moins de forces j'ai, le plus je me fais emmerder !"


      "- Ecoute, un truc est possible, Ali, lui dit Simone avant de partir pour le Nord. Tu me rejoins pour les week end, en général j'ai des dates sur tous les vendredis et samedis soirs. Je ne peux pas vraiment te promettre un salaire, car tu n'es pas compris dans ma petite tournée, mais peut-être y-t-il un moyen de t'héberger, par contre..."
     Ali fut si étonné et si heureux qu'il ne sut quoi répondre. Son esprit ne fit qu'un tour. Bien sûr, qu'il pouvait monter dans le nord un ou deux week end ! Il serait allé n'importe où pour jouer de la musique à des gens qui ont envie de l'écouter ! Il se sentait si en phase musicalement avec Simone, qu'il souhaitait approfondir leur collaboration, et ce qu'ils venaient de faire lors de ce mois, n'était pour lui que l'ébauche de ce qu'ils seraient capable de produire avec plus de temps et de moyens. 
   -"Oui, c'est une bonne idée, répondit-il enfin. Quel dispositif scénique as-tu prévu ? Quels musiciens t'accompagnent ?
   - Et bien, c'est simple, un ami de Lille fait la tournée avec moi. Il a un camion, dans lequel nous mettons mon clavier et sa contrebasse, le matériel de son, et en général on arrive dans l'après-midi dans le lieu pour faire les réglages. Je suis logée chez ma cousine à Lille ; puis dans les différentes villes, soit Xavier, mon ami, soit moi, avons des contacts chez qui je dors. 
   - Mais j'ai jamais répété avec Xavier et toi... 
   - Arrête tes conneries, vu tes capacités d'improvisation, je me fais pas trop de soucis... et puis, je peux te filer un enregistrement des morceaux que l'on va jouer, ainsi tu bosseras chez toi...
   - Dans ce cas, je dis OK. "

   L'organisation fut simple et rapide pour Ali, qui passa la moindre de ses minutes libres à improviser sur les thèmes des chansons de Simone. Il aimait son style, et y apportait une petite touche orientale, qui rendait le mélange plutôt subtile et sensuel. Il avait sauté sur internet pour réserver des billets de train et de covoiturage, et s'était ainsi prévu trois week end. 
   Il arriva un samedi après-midi sur Lille, juste à temps pour la balance, sur une péniche bar/concert. Le soir, dès 22H, il y avait beaucoup de monde, le concert était gratuit, et les gens attendaient quelque chose qui bouge, c'était saturday night fever, god damm it ! Simone avait une petite habitude avant de jouer, qui était de tenir les mains de ceux avec qui elle allait jouer, pendant cinq minutes, ce qui sembla à Ali une éternité. Ils devaient tous fermer les yeux... afin que "l'énergie se communique bien entre eux". Ali, lui, préférait une bière, ce qu'ils firent aussi. L'ambiance sur la péniche était électrique, la salle commençait à se remplir. Les gens arrivaient tard, le week end. 

    Ils commencèrent par une chanson que Simone avait déjà jouée avec Ali, et celui-ci se détendit immédiatement. Xavier était incroyable avec sa contrebasse, alternant la technique du picking et l'archet, produisant des sons très variés, et rythmant beaucoup les chansons. La contrebasse électrifiée donnait une densité incroyable aux chansons, se mêlant parfaitement à la voix de Simone et son clavier, et à la guitare folk d'Ali. Ce dernier avait aussi amené son banjo, pour deux ou trois chansons, pensant que la sonorité originale collerait tout à fait à l'univers barré de la chanteuse. 
   Elle avait des chansons en français et en anglais, et l'univers intimiste de certaines auraient été plus appropriées à un club de jazz sombre, pensait Ali. Elle parlait, murmurait, criait, chantait, produisait des sons bizarres, et avait une présence incroyable sur scène, jouant avec chacune de ses chansons, suivant l'univers évoqué. Ali se sentait un peu coincé, et observait Xavier, qui avait l'air de s'amuser follement avec Simone, leurs solos voix/ contrebasse se répondant, comme un dialogue qui fuse
   A la fin du concert, ils allèrent boire des verres pour fêter leur première collaboration tous les trois. Le concert s'était bien passé, Xavier dit à Ali qu'il pouvait "se lâcher" un peu plus, et tenter des envolées arabisantes, comme il l'avait un peu fait. Le public avait été chaleureux et enthousiaste. "C'est ce que j'aime à Lille, dit Simone, les gens sont hyper réceptifs et ils le montrent. Et puis, ils ne sont pas snobs, ils viennent toujours nous inviter à boire un coup à la fin du concert !"

    Après ce week end de rêve, le retour du dimanche soir ne fut pas des plus faciles pour Ali, qui se sentit envahi par la déprime quand il franchit la porte de son appartement, où la solitude et l'ennui l'assaillirent, sans compter que la seule idée de retourner au bureau le lendemain matin l'emplissait de dégoût.

                                                                                                                                                     EM

jeudi 5 septembre 2013

TOMBER AMOUREUSE

      Tomber amoureuse c'est quoi ?
      Se sentir bien avec l'autre, sans s'en rendre compte, tant c'est naturel. 
    Avoir du respect. Celui qui fait que l'on se sent un peu empruntée par moment. De l'admiration. Une écoute attentive de ce qu'il dit, une attention soutenue quand il explique un truc. 
Sentir avec plaisir ses yeux sur nous, sur nos courbes... surprendre un coup d'oeil rapide, qui ne trompe pas : oui, ce gars là, il a envie de moi. Et moi j'ai envie de lui. GRAVE !



   Ce qui ne trompe pas : se sentir naturelle avec lui. Soi-même. Même si l'on est timide, qu'on le soit avec sincérité. Sentir son corps nous frôler, l'air de rien. Faire comme si de rien n'était. 
Pour moi, tomber amoureuse est un phénomène qui arrive en plusieurs temps :
d'abord la phase d'approche, où l'on se dit : tiens, il est pas mal, sans plus.
Puis, il est intéressant. Il s'intéresse à moi. J'aime parler avec lui. 
Et BING, à un moment TRES PRECIS, la chose se passe :  la révélation ! La chute en amour (c'est comme tomber de sa chaise), se fait en une seconde. Sentir que même l'aspect vulnérable, moins glamour de l'autre, on l'aime aussi. ça peut être à propos d'un détail.

   Quelqu'un que j'ai beaucoup aimé, m'a dit être tombé amoureux de moi, le matin où nous avons pris notre premier petit déjeuner, et que j'ai partagé mon yaourt avec lui. Moi je ne suis pas du tout tombée amoureuse de lui à ce moment là. Non, à un autre moment.

   On tombe souvent amoureux quand l'on découvre un aspect sensible de l'autre, donc. Pour ma part, c'est en un quart de seconde : j'ai soudain une révélation ! Et un immense sourire naît sur mes lèvres, et quoiqu'il arrive dans ma journée, je suis heureuse. D'ailleurs, je ne sais nullement ce que pense l'autre. Je sais et je vois que je lui plais, car je suis intuitive, mais... il peut être en couple. Et alors ? Ce n'est pas parce que l'on est en couple que l'on est heureux en couple. Alors autant tomber vraiment amoureux ! Ou alors il n'est pas prêt (= il a peur de partir à l'aventure !)

   Tomber amoureuse, ça ne se contrôle pas, c'est plus fort que tout. ça peut durer une semaine, six mois ou 3 ans, mais c'est une évidence qu'il est inutile de contester. A ne pas confondre avec l'illusion, où là, on est toute seule dans le fantasme. Tomber amoureux, c'est réciproque, même si pour X ou Y raisons, cela reste platonique. La raison fait refroidir le coeur, comme un soufflé qui retombe. On passe ce délicieux frisson irrationnel au filtre de l'esprit pratique, et on éteint le souffle instinctif et animal qui nous attire vers l'autre, au profit de la prudence. Beurk ! Quel vilain mot en amour la prudence, la raison, le comme il faut !

   Allez, tombez amoureux, ça fait partie des joies de la vie !
Et si ça ne vous arrive pas ? Partez à l'aventure, c'est que vous ne vous offrez pas les moyens de votre quête ! Que croyez-vous ? Que l'on peut tomber amoureux de n'importe qui ? Absolument pas ! On tombe amoureux de quelqu'un d'exceptionnel... au moins autant que soi-même !

                                                                                                                                   Amoureusement,
                                                                                                                                                    EM
ps : Et c'est toujours quand on s'y attend le moins que cela arrive !

mercredi 4 septembre 2013

PRENDRE CE QUI EST

Finalement, l'important, c'est de prendre ce qui est. Ce qu'il y a de bon chez l'autre. Pourquoi reprocher des choses à un ami, alors que l'on aime particulièrement d'autres choses chez lui ? Pourquoi ne pas se concentrer sur ce qui nous plaît ? 
Essayer de culpabiliser l'autre soulage peut-être de prime abord, mais est néfaste pour la suite de la relation. Et puis, la seule chose qui nous apporte du bien et du bon dans cette vie, c'est l'amour que l'on ressent dans son coeur. 
Partageons un peu d'affection, d'attentions, d'amour, de rire... avec autrui, un animal, la nature, un voisin, un frère, un étranger...


 La vieille voisine de 91 ans me ramène le plat dans lequel je lui avais porté du crumble à la mûre. Elle était ravie de ma visite, et m'a dit qu'elle se sentait bien seule, et que savoir qu'elle avait une voisine à côté lui avait fait si plaisir. Elle a pris le soleil en marchant jusqu'à chez moi. Rien que notre proximité et le fait que nous nous connaissions maintenant suffit. On n'est pas seul !
L'amitié c'est comme l'amour, il serait dommage de ne pas saisir les choses positives avec l'autre, qui sont peut-être différentes de ce que l'on pensait, mais qui font que l'on se sent VIVANT ! 
Pour moi, savoir que mes amis existent, qu'ils pensent à moi comme je pense à eux me comble déjà. Etre proche ne veut pas forcément dire habiter ensemble ou passer tout son temps avec l'autre. Mais partager des moments choisis, des moments précieux, et savoir le reconnaître. Oui, pour moi, parfois partager un thé avec une copine et parler littérature ou relations amoureuses est un pur enchantement. Quand nous partageons la même vision du monde, que l'on se comprend au lieu de se contredire, que l'on s'écoute. Et finalement, ce n'est pas si COURANT. Je veux dire, se sentir compris, soutenu, est un CADEAU de l'univers. Je le pèse bien... 
Alors PARTAGEONS, sans crainte et avec RECONNAISSANCE nos petites destinées qui ont plus de similitudes que nous voulons bien le penser.
                                                                                                                                                        EM

L'HISTOIRE D'ALI (Part 13.)

     Le lendemain, un dimanche, Ali accepta l'invitation de Simone. Elle logeait chez un ami photographe un peu bizarre, qui avait une grande maison aux abords de Châlon. Elle n'était pas de la ville. Elle était née en Guadeloupe, ses parents étant  haut fonctionnaires là-bas, et elle avait grandi dans différents endroits, au gré de leurs mutations. Elle avait décidé de vivre de sa musique depuis plus d'une année, et allait dans chaque ville de France où elle connaissait du monde, afin de proposer aux bars et petites salles ses compositions. Ali et elle se comprenaient mieux sans doute à travers la musique que par la discussion, car elle s'éteignait vite. Ils se mirent à jouer, Simone lui montrant son répertoire. Elle avait écrit 2 nouvelles chansons, et elle avait besoin d'accompagnement. Ali lui montra les idées qui lui venaient, et il passa la semaine à retravailler dessus. Ils proposèrent à Sven de se joindre à eux au sax, ainsi qu'à un joueur de darbouka, copain d'Ali. 

    Après 3 répèts avec les 4 membres de leur nouveau "groupe", chacun se sentit plutôt content, et d'accord pour jouer le dimanche au bar. Le patron avait fait mettre des affiches et posté l'info sur les réseaux sociaux, autant dire un monde parallèle pour Simone et Ali, mais qui sembla fonctionner pas trop mal, car il y a avait un peu de monde. Ali se sentait nerveux, il lui semblait que ce n'était pas assez carré, que tout était flou. Il aimait les consignes très claires, et avec Simone, ça partait dans tous les sens. 
 

    Elle leur avait demandé de se fringuer années cinquante. Evidemment, ils n'avaient pas les tenues, alors elle les avait emmené dans un magasin de fripes, où chacun s'était trouvé un veston ou une veste, ainsi qu'une fine cravate. Sven avait des bretelles, et Karim, le percussionniste, avait emprunté des blazers de son père des années 60, marron et orange en polyester. "Royal ! " s'était enthousiasmé Simone, qui pour sa part, avait revêtu une robe violette en soie, qu'elle avait faite elle-même, et qu'elle portait avec des escarpins à paillettes. "Sympa, le mélange, style indéfinissable", pensa Ali en souriant. Les deux autres sifflèrent quand elle fit son entrée dans sa tenue du soir, revisitée, et elle, rajusta leurs cravates et leurs vestes. 
" Les gars, franchement, vous me faites honneur ! Vous êtes magnifiques. J'adore, c'est exactement ça, que j'imaginais... On sera les petits frenchies de New York, Ok ? 
  - Hein ? qu'est-ce que tu racontes ? demanda Sven 
   - Je déconne, mais je nous verrais bien faire quelques concerts à New York, avec ce style très français, on cartonnerait là-bas... Ils adorent ce qui est un peu "cliché français". Et pour peu que je leur fasse des chansons sur le smelly cheese, and we got it, men !
  - Putain , je rêve de New York depuis toujours..." ajouta Sven.
Les trois hommes éclatèrent de rire, chacun se prenant à rêver... 


 Le dimanche arriva, et le concert, bien qu'il n'eut pas beaucoup de spectateurs, fut un grand moment pour les quatre musiciens. Le noyau dur était indéniablement Ali et Simone, mais les deux autres se mêlaient assez bien, et captaient sans le savoir le style du groupe. Ils eurent des félicitations du patron, qui leur promit qu'il y aurait deux fois plus de monde la semaine suivante. 
   Ali allait au travail en flottant, passait sa journée à composer avec une guitare virtuelle, qu'il téléchargeait sur internet, fermant toutes les fenêtres dès que son supérieur entrait dans son bureau. Il se fit remonter les bretelles plusieurs fois, car il arrivait en retard et n'était pas aussi concentré qu'avant. Il s'en fichait. Il n'avait même pas peur de se faire virer, il pensait que ce serait le destin, et que ça le pousserait peut-être à faire ce qu'l avait vraiment envie de faire dans sa vie. DE LA MUSIQUE (AVANT TOUTE CHOSE !)*



                                                                                                                                                     EM



*L'Art Poétique, Paul Verlaine.

mardi 3 septembre 2013

L'HISTOIRE D'ALI (Part.12)

    Le concert venait de commencer, Ali s'installa sur un tabouret vers le bar. Simone était toute de bleu vêtus, avec des oiseaux sur la tête, et était accompagnée d'un pianiste. Ses chansons étaient à son image, étranges, d'un autre temps, et en même temps, parlant du monde actuel. Il aima particulièrement celle qui parlait des tartes au citron qu'elle concoctait en guise de médicament, dans sa "cuisine / officine". C'était drôle et sensuel en même temps... Ali se surprit à éclater de rire à plusieurs reprises. "Elle a de l'esprit, celle-là. Elle doit pas être d'ici, c'est pas possible" pensa Ali. 
     A la fin du concert, elle bavardait avec des amis, Ali se sentit très intimidé, mais alla tout de même la remercier : " Super concert !
   - Vraiment ? ça t'a plu ?
   - Carrément, j'ai beaucoup ri... T'as du talent.
    - Merci ! C'est quoi ton nom, déjà ?
    - Ali.
    - Ah oui, Ali le Guitar Hero !"
    Ali éclata de rire, se sentant tout sauf un héros. 
   - "Ali le anti-guitar hero, plutôt ! 
   - Allez, on va faire une jam session dans une heure, à la fermeture, le patron nous laisse la salle avec le piano, la batterie... tu as ta guitare ? 
   - Nan, mais je vais aller la prendre... j'habite ici, moi, hélas !" ajouta-t-il avec un clin d'oeil.
  
      Une heure après, Ali était installé avec la petite bande de Simone, quelques habitués, le patron, bref, tous les amateurs de musique, qui voulaient jouer ensemble. Un grand blond appelé Sven se mit à jouer du saxophone, et Simone se mit au piano... Quand le jazz est, quand le jazz est là *... Chacun s'installa, à la batterie, à la basse, Ali à la guitare. L'improvisation allait bon train, chacun semblant habitué à ce genre de boeuf. Au bout d'une heure, ils avaient trouvé leur vitesse de croisière, et ce qui sortait commençait à être pas mal du tout. Au moment du break, le patron du bar mit la main sur l'épaule d'Ali : 
" - Dis moi, mon gars, je savais pas que Châlon recelait un tel guitariste ! Tu joues dans quel groupe ? Pourquoi t'es jamais venu jouer ici ? Peut-être pas assez bien pour toi ...
   - Je n'y ai jamais pensé... Mais pourquoi pas. Je jouais beaucoup avec Fred D. 
   - Ah oui, c'est un chalonnais... Il se débrouille bien, ça marche fort pour lui. Pourquoi tu joues plus avec lui ?" 
A ce moment là, Simone arriva avec des verres dans chaque main :
" - Jouer avec qui ? demanda-t-elle
   - Avec un bon guitariste de jazz qui a été mon mentor...
   - Et avec une incroyable chanteuse de cabaret, tu jouerais ? lança-t-elle avec son air mutin.
   - C'est-à-dire ? Avec toi ? 
   - Qu'en penses-tu ?
   - En fait, j'adore ce que tu fais, je ne sais pas si je serais à la hauteur...
  Le patron du bar les interrompit : " Moi je vous signe de suite pour un concert par semaine pour les deux mois qui viennent... ça vous dirait ? Le dimanche en fin d'après-midi... avec un répertoire évolutif... un peu d'impro comme j'ai vu ce soir...
  - Simone et moi ? demanda Ali
  - Ouais, et pourquoi pas un piano ou un saxo... Une batterie, je sais pas... des tablas peut-être... Moi je vous paye au cachet, on discute de la somme, et après, vous vous partagez ça entre vous...  Alors ?
  - Faut qu'on en parle sérieusement, répondit Simone. Je propose qu'on fasse un concert ensemble dimanche prochain, on aura le temps de faire quelques répèts, et après on avise...
   - Marché conclu", dit le patron en serrant la main d'Ali et de Simone.

      Ali regarda Simone se remettre au piano et commencer à chanter. Il attrapa sa guitare et sut naturellement se mettre sur sa tonalité. Elle improvisait quelque chose très jazzy à propos de l'argent, que c'était bien quand il tombait. Ali cala sur sa voix une pluie de notes légères, et sa guitare répondait aux paroles de la chanteuse, comme l'aurait fait une voix humaine. Ils s'écoutaient tous deux, et osaient improviser, sans réfléchir. Ils étaient tellement dedans qu'ils ne virent même pas les autres, en cercle autour d'eux. Ali aurait été bien incapable d'analyser ce qu'il était en train de jouer. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il s'éclatait, que la joie infusait tout son être, et que Simone était belle quand elle chantait. Ils se regardaient, communiquant avec les yeux, et étaient en phase totale. La musique coulait, parfaite, inspirée. Ils allèrent même sur les terres algériennes, avec des sons arabisants, que Simone exploita naturellement avec une sorte de reprise de "Mon amie la ronce", à propos d'une fleur pleine d'épines qui sait se défendre tout seule... Ils partageaient étonnement le même univers sensible, barré, hétérogène, et n'avaient aucune barrière. 
   
      Ils eurent des applaudissements débridés de la part de la vingtaine de personnes présentes, et un contrat pour les 4 dimanche suivants. Ce n'était que peu payé, mais pour Ali, c'était déjà Noël !

                                                                                                                                                         EM
 
*Michel Jonaz

dimanche 1 septembre 2013

DESIR, VISION BOARD, and REALITY

Désirer ce que l'on a pas, c'est un peu comme dire que l'on aime la potée auvergnate si on ne l'a jamais goûtée.
Deux cas de figure :
on a perdu quelque chose et on veut le retrouver
on a toujours eu envie de cette chose-là, sans jamais pouvoir assouvir son envie : frustration garantie

Parfois l'on sait ce qu'idéalement on veut. On se dit :" avec ça, je serais heureux." Mais la vie est ainsi faite qu'elle nous surprend toujours au détour du chemin. Ce n'est JAMAIS exactement comme on l'avait prévu. Oui, mais parfois, on a des intuitions. Vous savez, cette fraction de seconde, où en rencontrant un futur amoureux, on a une sorte de vision d'ensemble de la personne, et de cet aspect de lui qui nous étonne, ou que nous n'aimons pas, et qui évidemment, 6 mois ou 15 ans plus tard, est cause de séparation. Ce qui était en germe finit toujours par sortir, n'est-ce pas ?

Les californiens, papes du développement personnel, adore faire leur "vision board". Autrement dit, avec des dessins, des découpages, des collages, exposer sur le tableau tout ce qui nous fait envie profondément dans notre vie. Je me souviens de celui de Kim : elle avait découpé dans un magazine la photo d'un homme, chemise de bûcheron à carreaux, qui serait le compagnon idéal. Et bien coïncidence surprenant, en regardant son tableau, une amie à elle, photographe lui dit reconnaître le model, un excellent ami à elle, Ron. Kim n'a jamais accepté que son amie lui présente Ron, car elle avait peur... Mais peur de quoi ? Qu'il ne soit pas fidèle à l'image ? Qu'il ne s'intéresse pas à elle ? Certes, je peux la comprendre, mais alors à quoi bon un vision board s'il doit rester conceptuel ?



Nos désirs sont-ils fait pour rester au placard ?
Certes pas... mais comment les faire exister, sans pour autant les laisser nous frustrer s'ils ne se réalisent pas rapidement ?

La clé ? Lâcher-prise, se DETENDRE. Profiter des petits joies de la vie au quotidien, c'est déjà pas mal...

                                                                                                                                                    EM