Aéroport de Kuala
Lumpur
Les aires de transition
m'inspirent toujours : gares, aéroports, métro, bus... Tous
ces lieux de départs, d'arrivée, de changement symbolisent pour moi
l'acte d'avancer.
Découvrir des visages,
les observer, imaginer des histoires..., comme le plus passionnant
des spectacles, celui de la vie en action. Encore mieux qu'au
théâtre.
Je m'assois au Starbuck,
à côté d'une jeune malaise qui a l'air de faire des exercices de
maths sur un cahier. Je prends quelques photos des gens autour de
moi, sidérée par l'influence galopante de la culture américaine en
Asie du sud est, et ses conséquences : de plus en plus de gros
indonésiens ou malais, si longilignes et menus habituellement,
casquettes vissée sur la tête.... Tous ces jeunes assis sous la
clim, les yeux rivés sur leur I Phone, ingurgitant compulsivement à
la paille, leur « frappuccino » débordant de chantilly,
boisson sucrée écoeurante, servie directement dans des gobelets de
plastique, qui doivent constituer à la fin de la journée un monceau
de détritus aberrant !
Le premier individu qui
accroche mon regard, est ce jeune à casquette, dont l'obésité
semble conférer l'assurance des gros rappeurs noirs américains.
Son plateau repas parle pour lui : club sandwich au pain blanc
dégoulinant de mayonnaise, un énorme gâteau en dessert, arrosé
d'une boisson sucrée taille géante. Il fait face à un ami, mais
n'échangerons pas un mot du repas, trop absorbés par leur écran.
Sa respiration soulève juste le haut de sa poitrine, dans une
attitude d'effort dont il n'est même pas conscient. Le visage bouffi
et le teint jaunâtre révèlent une condition physique bien poussive
pour son jeune âge, ses cernes trahissent un foie déjà surchargé.
Se dégage de lui une impression malsaine.
Me vient alors cette
réflexion : il est si facile de se déconnecter de sa nature,
dans un environnement urbain. En outre, être relié de façon
perpétuelle au net par les téléphones, ne permet plus de faire
fonctionner son instinct. J'aime l'idée de laisser la vie décider
d'une rencontre avec un ami. Je me laisse guider par mon envie, et en
général, ça fonctionne.
Un jeune homme et une
jeune fille attirent mon regard. Ils ressemblent à deux siamois,
approchant leur visage l'un de l'autre pour se photographier puis
contempler leurs clichés ; leurs poignets se touchent, ils me
semblent collés. Bien qu'ayant les yeux rivés sur leur téléphone,
ils sont reliés l'un à l'autre Je tente de capturer leur
similitude, leur gémélité
Je suis une des seules de
ce café à ne pas avoir l'attention prise par la lecture de mes
mails ou Facebook ou textos. C'est un lieu de transit, ici,
d'attente, pas de rencontre.
Après avoir pris pas
mal de photos, j'engage la conversation avec ma voisine de table, qui
a le nez sur son cahier d'exercices (Cf photo). Elle est malaise, a
20 ans , et étudie la médecine à Bangalore, en Inde.
Elle a l'air
fascinée par le fait que je voyage tant, et me questionne sur ma vie
amoureuse. Elle semble s'interroger sur les relations à distance.
Son copain est resté en Malaisie, elle se demande si cela peut
durer. Ses études vont se poursuivre encore 3 ou 4 ans loin de son
pays. Je lui raconte que je reviens de Phnom Penh, où j'ai rendu
visite à mon copain, rencontré lors de sa tournée à la Réunion,
mais que je ne sais pas du tout si je vais le revoir. Je ne sens pas
d'émotions particulière à l'évoquer. La notion d'attachement
revient dans notre conversation. Le voyage me procure le détachement
nécessaire à ma vie, pour profiter de ma liberté d'individu. Mon
énergie est excellente, bien que je n'ai que très peu dormi depuis
2 jours. Cette partance pour Bali finalement me réjouit le cœur,
alors que je pensais que Scott me manquerait cruellement. Je me sens
joyeuse, terriblement vivante, pleinement dans l'instant, appréciant
grandement cette journée de transit entre le Cambodge et Bali.
Ce temps de latence
m'est précieux pour faire le point sur ma vie et ce que je viens de
vivre. J'observe avec délice le spectacle de la vie, j'échange,
je mange avec appétit ce Thali indien délicieux, je savoure ce
cappuccino...
Plus tard, les
turbulences de l'avion duquel j'écris me serrent le cœur, et me
nouent le ventre. J'ai peur en avion, depuis celles si
impressionnantes vécues le mois précédant, qui ont déclenché la
panique à bord.
Puis, captivée par deux
immenses et imposantes blondes platines parlant haut, devant moi,
j'oublie ma peur.
Leur blondeur et leur maquillage clinquant, leurs
baskets jaunes fluo, leurs casques audio vert pomme, rendent un
contraste étonnant avec le reste des passagers, fins et discrets,
d'origine asiatique. La vulgarité et le côté « cheap »
(Cf photos) dans toute sa splendeur me font parier qu'elles se
rendent à Kuta, à Bali, haut lieu de beuveries et de plages moches,
prisé des jeunes australiens.
EM