Le petit monsieur assis à côté de
moi sur la « Shopping Plazza »- oui, cette ville toute
artificielle qui diffuse de la musique de supermarché à toute heure
du jour, possède en son centre un bijou de kistchitude : une petite
fontaine avec des fleurs, très « dolce vita »... Mais
aujourd'hui, tout est beau, je pardonne sa faute de goût au Dieu qui
a créé cela, et suis contente que cela plaise à tant de monde :
au moins, ça existe pour une bonne raison ! J'y suis assise au
soleil. A ma droite, ce monsieur, 70 ans à vue de nez, peut être un
peu moins. Mince, une casquette de papi, il a l'air bon. Un peu
seul... Qu'attend-t-il, ici ?Il n'y a rien pour lui, nous sommes
environnés de Sephora, d'un magasin de lingerie et d'autres
boutiques de chaussures de luxe. Lui, on le définirait par le
contraire de clinquant. Il a l'air si vulnérable et différent, posé
là, dans cette « Shopping Plazza », où des écriteaux
nous font la joie de nous annoncer que des « valets »
sont là pour aller garer nos voitures (pour 7 dollars). Alléluia,
Dieu est bon, il a décidé de garer nos voitures pour nous.
Ce monsieur, j'ai l'impression qu'il a
conscience, que sa vie est derrière lui. Le monde manque tellement
de sens ici, que l'on ne devrait pas avoir de questionnement
métaphysique, sous peine de constat d'absurdité, ai-je envie de le
rassurer. Son regard est plus profond que toutes ses vitrines
étincelantes.
Je sens qu'il m'observe discrètement,
tandis que j'étends mes jambes sur le banc en pierre, et bois mon
cappuccino. Il a l'air content que je sois là. Une bonne compagnie,
en somme. Et en une seconde, mon cœur est envahi d'amour. Je me,sens
proche de lui, sans même que nous ayons besoin de parler. Il est là,
je suis là. Et c'est un moment parfait, où tout s'arrête. Je suis
juste touchée par sa présence d'être humain. Il se lève et part
vers son destin. Je pense qu'il rejoint sa fille et sa petite fille,
que je vois au loin. J'aime bien cette famille, très humble, un peu
à l'opposé de ces belles jeunes femmes toutes blondes aux cheveux
longs, ultra minces et apprêtées, avec des talons et des sac de
marque, de grosses lunettes de soleil et des paquets plein les bras,
parlant si haut qu'elles couvrent la musique italienne.
Mue par je ne sais quelle impulsion, je
me dirige vers une boutique appelée « Au charme de Paris »,
un concentré de nappes provençales et d'assiettes bretonnes,
assortie de torchons ornés de Tour Eiffel, de plaque de rues
Parisiennes, et bien sûr Edith Piaf en fond sonore … Je
sympathise immédiatement avec la vendeuse et propriétaire de la
boutique, Nassima, algérienne vivant depuis vingt ans aux Etats-Unis. Je n'aurais jamais cru possible de parler de la guerre
d'Algérie, de l'origine des pieds noirs, qui sont ils, d'où
viennent-ils etc... ici... Ma mère était pied noir d'Algérie, et
cela me parle si profondément... Elle savait tellement de choses,
cette femme. Elle m'a répété plusieurs fois : fais ce qui te
plaît dans la vie, you can do it ! Elle m'a offert un café,
puis la carte ravissante que je voulais acheter, deux chats
s'embrassant au clair de lune, me disant : celle là, garde la,
ne l'envoie pas, elle est pour toi. « Chavalentin ».
Oh, comme c'est bon d'être reconnectée
avec la magie de la vie! Discuter avec cette inconnue de l'importance
des racines familiales m'a permis d'avancer, de savoir mieux ce que
je voulais, et que si je ressens un appel pour la France et ma
famille, il est bon de l'écouter sans tarder. La Californie sera
toujours là, et surtout, New York sera toujours New York !
Cette femme a un destin incroyable, riches diamantaires oranais, elle et son mari sont richissimes en Algérie, et ici, vivent juste confortablement, mais préfèrent nettement la liberté à l'aisance matérielle. Le commerce a toujours été transmis familialement, et elle m'a répété plusieurs fois que rien ne s'accomplit dans cette vie, que ce que l'on a en soi, prêt à éclore, transmis par des générations antérieures, et que l'on choisi de faire vivre ou non.
Cela me parle tellement. Hier, c'était
l'enterrement de l'oncle de mon papa, Jean, et je l'aimais bien, même
si je le côtoyais peu. Il avait écrit un livre de syntaxe sur le
patois de sa région, et était connu pour son érudition littéraire.
Et je réalise que mon autre grand oncle,Louis Paul, que j'adore, a
fait des études de lettres, tout comme moi. Mon père est peintre et
grand lecteur, artiste multi-forme, etc...
Bouillonne en moi TANT de créativité
qu'elle sort brute, n'importe quand, et je la laisse vivre au grand
air. Je comprends d'où elle me vient, qu'elle couve depuis de
nombreuses générations dans ma famille, et qu'elle demande à être
embrassée pleinement. So I'm doing.
La seule façon d'avoir une réponse
dans la vie, c'est d'avancer pas à pas, au fil de ses envies
profondes, en faisant confiance à sa petite voix.
Fais ton confiance, m'a dit Nassima
avant que je parte, la clé est dans ton cœur.
M'Hillie
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