Le temps est relatif. Quand on en a trop, c'est que l'on s'ennuie
et que quelque chose nous manque, et quand on en manque, c'est que
l'on ne fait pas ce qui est essentiel pour nous.
On vit dans une ère d'abondance, qui frise la surenchère. Entre
les photos numériques à trier sur l'ordinateur, les films des
vacances de la caméra HD à monter, les billets d'avion à réserver
sur internet, les capsules à prendre au magasin de Georges Clooney ( même qu'il est jamais au magasin, celui-là !), la tablette à
récupérer au SAV, et le contrôle technique de la voiture à programmer, en plus évidemment, de la journée passée dans un travail ( qui ne fait pas toujours sens dans notre vie) et dans la voiture.
Tant de tâches annexes se sont ajoutées à nos vies depuis
celles de nos grands-parents ( et arrières grands-parents), qu'ils nous regardent parfois avec
inquiétude, interloqués par notre rythme trépidant. Mais où sont
passé nos espaces libres ? Ces temps de latence, où l'on porte un
projet, une idée, une envie, comme l'on porte un bébé ? Où sont
passés nos rythmes naturels, de se coucher avec le soleil, de se
lever, quand on a assez dormi, et pas parce que le réveil ( I
phone, pardon), nous envoie sa sublime musique ? Ces moments de
calme, où l'on se retrouve, sont pourtant nécessaires, ils nous
permettent d'avoir une vie cohérente, de mettre du sens dans ce
qu'on fait, et de privilégier les activités essentielles à notre
évolution, plutôt que d'enchaîner les tâches sans se poser de
questions. Devenir acteur de sa vie, plutôt qu'objet passif,
entraîné comme une coquille de noix dans les rapides de l'existence
( en l'occurrence le rythme effréné d'une journée, nous emportant
de RDV en shopping variés, avec de multiples trajets épuisants, qui
font qu'au final, on n'attend plus qu'une chose : légumer en fin de semaine
). Vous trouvez ça normal, vous ?
Dans ces vies modernes déconnectées, le temps donne la sensation
de couler entre nos doigts, comme du sable. Le sociologue allemand
Zygmunt Bauman appelle ce phénomène la "liquidité de la
modernité": les actions s'enchaînent, parfois sans cohérence,
sans lien les unes avec les autres, les moments compartimentés,
comme si rien n'était relié et donc n'avait de sens. On finit par
se demander pourquoi on va travailler si loin... pour un salaire qui paie
parfois tout juste les frais d'essence, d'assurance voiture, de
loyer, et de garde d'enfant... On dépense, pour des babioles, des
sommes gagnées péniblement, sans réaliser que l'on n'en a aucun
besoin réel.
Un individu se construit aussi dans ce qu'il fait au quotidien,
que cela soit pour lui vécu comme une continuité logique, que ses
actes de la journée reflètent qui il est. Le problème, c'est que
l'on fait d'abord ce que l'on juge obligatoire et urgent, avant de
faire ce qui reflète notre essence. Un exemple : vous êtes vous
déjà dit que pour vous, chanter ( nager, marcher dans la nature,
peindre, etc) c'était important ? et que coûte que coûte,
chaque jour, même 5 min, vous le feriez ? Oui, mais ce matin, vous
n'avez pas eu le temps, car il fallait sortir le chien, et demain,
vous n'aurez pas le temps car vous avez une réunion et ainsi de
suite ... L'essentiel passe à la trappe, sans problème !
Le temps de dessiner comme quand on était enfant... |
Pour remédier à cela, réinstaurons des rituels, immuables. Si
l'on a décidé de s'octroyer un temps tous les matins pour chanter,
prier, peindre etc... rien ne pourra nous enlever ce temps, que
nous-même, finalement. Revoyons nos priorités. Allégeons notre quotidien, arrêtons d'acheter, d'emmagaziner, d'empiler. Utilisons ce que nous avons chez nous, d'abord. Faites le vide dans vos placards ! Les français sont les tristes détenteurs du record de la consommation d'anxiolytiques. Que cela dit-il sur nous ?
Une chose est sûre : rien ne remplacera le lien humain, le rôle
social, et l'épanouissement de nos qualités intérieures. Cela ne
sert à rien de parler des heures de notre passé en thérapie, si l'on ne change pas
des choses concrètes dans sa vie. Avoir prise sur le temps est la
1ère démarche. Se dégager du temps est l'étape nécessaire pour
construire ses projets.
Car oui, on a le choix ! Prenons le, ce choix ! Prenons le, ce temps !
Le temps
est normé, mais la durée, elle, est relative, elle varie selon notre degré
d'implication. Lorsque nous devenons un avec ce que l'on fait,
le moment devient infini, sans limites, un moment d'éternité, où
notre mental cesse de tourner, où l'on est tellement absorbé par
notre tâche, que l'on oublie tout le reste. Comme lorsque l'on est
amoureux et que l'on s'embrasse, tout s'efface autour, il n'y a plus
de chronomètre qui martèle et nous empêche de profiter. On se dissout dans l'éternel présent ( l'ici et maintenant). Quand on est bien, intéressé, qu'on rit avec ses amis, qu'on partage un jeu avec ses enfants, à fond dans la tâche,
inspiré, on s'élève, on oublie tout ! We are in the flow, we become the flow !
Prenez tout votre temps pour lire, j'ai pris tout le mien pour écrire.
EM
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