Et un jour de plus de Jonas Gardell (auteur suédois à succès, connu
pour ses interventions virulentes à la télé, ses spectacles décapants), 1998.
Superbe roman suédois, où les
voix intérieures de 4 personnages s’entrecroisent, livrant leurs pensées les
moins avouables, les plus intimistes, et les plus désabusées. Car quelques
jours avant le réveillon de l’an 2000, là où l’effervescence gagne certains,
elle en paralyse d’autre, leur ramenant en pleine face l’étendue du désastre
que représente leur vie. Pia, célibataire trentenaire esseulée : mange des
chips devant la télé, balance le jambon à l’os de sa mère sur la moquette. Anna
et Hakan, 34ans, mariés depuis 10 ans, mais déjà si vieux dans leurs
têtes : ils ont deux jeunes fils, et ne partagent rien à part le quotidien
rempli de tâche sans fin : faire les courses au supermarché, cuire les
steaks trois minutes de chaque côté et agencer les assiettes et les casseroles
habilement sur l’égouttoir. Henning, le vieux père d’Hakan, vit seul et a du
mal à partager sa solitude avec sa famille. Anna va se réveiller un peu…
J’ai aimé les réflexions âpres
sur la société de consommation et la perte de repères qu’elle engendre chez les
individus, les coupant de plus en plus du sens de la vie. Le ton est désabusé,
mais plein d’humour et de justesse.
« Cette année a été l’année où elle et Hakan se sont
achetés des téléphones portables.
Pour qu’on puisse toujours les joindre.
Même s’ils ne savaient pas vraiment qui était susceptible de
les joindre.
Mais ça leur avait semblé important.
Ils s’étaient persuadés que c’était important. »
Et ainsi de suite. Ces
personnages croient qu’il faut effectuer certaines tâches, acheter certaines
denrées, se comporter d’une certaine manière, aller en vacances vomir sur un
voilier, filmer les anniversaires des gosses où l’on s’emmerde, remplir sa vie
comme l’on remplit son frigo. Et mourir : pouf, comme ça, sans même s’être
rendu compte qu’on avait arrêté de vivre depuis bien longtemps déjà.
C’est un livre captivant, drôle,
qui fait réfléchir… l’air de rien.
EM
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