DE ROUILLE ET D'OS
Le film de Jacques Audiard, de Rouille et d’os, dévoile un monde bien pessimiste.
Sur la forme, impeccable, comme d’hab’, scénar et plans puissants (de la veine
de De battre mon cœur s’est arrêté). Malgré
la puissance des images d’Audiard et de son sujet, la vision du monde y est parfaitement
négative. Pas d’échappatoire, les emmerdes s’enchaînent sans aucune
compréhension de la part de ceux qui les subissent. Compréhension qui serait pourtant
salutaire pour leur évolution. Depuis la scène du début, la bagarre en boîte de
nuit, où Stéphanie, Marion Cotillard, excellente, est assommée par un coup,
sans explication, en passant par les scènes de combats de rue suicidaires
auxquels participe Ali, jusqu’à la sublime balade entre père et fils dans la
neige, qui se termine en tragédie, on se dit : « là, c’est too much ».
La vie amène son lot de tourmentes,
pour tout un chacun. Mais ce qui nous arrive a un sens, n’est-ce pas ? Sinon,
la vie serait juste une fatalité, sur laquelle on n’a aucune prise… Je n’ai pas
pris plaisir à regarder ce film. Il n’y a pas de vraie compréhension de ce qui
se passe. Les personnages subissent, et le réalisateur ne remet rien en
question, il semble avancer à tâtons dans ce magma glauque et auto-destructeur.
Les quelques scènes que j’ai
aimées, sont celles d’amour, vrai, pur et animal, entre Stéphanie, handicapée,
et Ali. Quand il la porte dans ses bras, alors qu’elle se traîne discrètement
aux toilettes, rampant sur le sol, et le priant, honteuse, de ne pas la
regarder. Eclat d’humanité qui transcende tout le reste. Les mots crus que
Stéphanie lancent, quand il vient la voir juste après son accident, qui la
prive de ses jambes, et qu’il ouvre les fenêtres : « ben, quoi, ça
pue ? C’est moi qui pue, je pense… » La rencontre humaine, dans toute
sa trivialité, émerge alors. Accepter l’autre dans sa vulnérabilité, dans la
vérité du corps.
Mais la laideur des scènes de
violence m’a heurtée, et le film m’a laissée un goût amer. Me tirant vers une
vision de la vie qui n’est plus la mienne depuis longtemps, et que je suis
heureuse de ne plus partager. J’ai beaucoup fermé les yeux pendant la projection,
me demandant pourquoi je m’imposais ce spectacle.
TYRANNOSAURE
Tandis que l’extraordinaire Tyrannosaure
de Paddy Considine, mettant en scène la rencontre inopinée entre Jospeh,
alcoolique violent (Peter Mullan, sublime), et Hannah, bon cœur, femme battue
par son mari, apporte un souffle de vie et un plaisir immense. La photo grise, d’une
Ecosse austère, tirant sur le réalisme du Dogme, ne nous épargne aucun détail
sordide. La différence que je vois entre les deux manières de traiter le sujet,
est : que fait-on des épreuves de la vie ? Les feux films montrent
exactement le même type de relation : un homme violent et dévasté, seul,
pauvre, en perdition, qui rencontre une femme d’un niveau social plus élevé que
le sien, qui visiblement a plus de facilités dans sa vie, et qui va pourtant
devoir l’aider à surmonter des difficultés. Le traitement en est pourtant très
différent. Quand Joseph tue son chien involontairement, par un coup de pied, de
rage d’avoir perdu un pari, l’injustice sans appel de la scène, est
contrebalancé par la subtilité de sa prise de conscience. Ce qui est fort chez
Considine, c’est qu’il emmène le spectateur à comprendre AVEC Joseph, que violenter
cet être qu’il aimait plus que tout, est se détruire lui-même. Il ne reste pas
dans sa posture de victime, il évolue lentement. Jusqu’à ouvrir son cœur à
Hannah. Elle, vivant le martyr avec son mari, dans une relation perverse, lui
demande de l’aide, et même s’il est bousculé dans ses habitudes, il l’aide. Et
c’est l’histoire d’une entraide, prouvant que l’on se sort de tout, avec un peu
d’amour. Ce film ouvre une porte, libère quelque chose de positif, malgré la
pesanteur du propos.
Certes, il y a plus gai, et pour chacun des deux films : âmes
sensibles s’abstenir. Ce n’est pas parce que quelque chose existe, que je dois la
regarder, n’est-ce pas ?
Emilie Jullin
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