dimanche 30 juin 2013

QU'EST-CE QUE L'INTEGRITE ?

I. Un peu de lexicologie pour se mettre sur la voie

Du latin integritas, venant de in + teger : non entamé, non endommagé, signifiait au XIVème siècle la virginité,ainsi que l'état d'une chose restée entière, intacte.
Intacte par rapport à quoi ? Par rapport à un état initial de complétude.
On a gardé ce sens d'entièreté dans toutes ses acceptions :
1. Etat d'une chose complète, à laquelle on n'a ôté aucune partie. "On a gardé l'intégrité du patrimoine de l'auteur pour le transmettre à ses enfants". Aucun démembrement.
2. On l'utilise aussi pour évoquer de manière figurée, quelqu'un qui est sain, ou encore qui sait préserver son corps, se protéger. des blessures ou des attaques.
3. L'adjectif "intègre" désigne une personne qui ne se laisse pas corrompre, et qui garde une certaine honnêteté par rapport à ce qu'elle estime juste, dans le respect des lois humaines. On le dit d'un juge, par exemple.

Les fondations par la langue



II. Application pratique dans la vie

1. Comment être intègre ? Le rester ? 

Il s'agit de restaurer tout d'abord l'entièreté de ce que l'on est, afin d'être intègre, déjà, envers soi-même, c'est la 1ère étape.

Ainsi, respecter mon intégrité physique sera de rester entière, avec tous mes membres, tandis que respecter mon intégrité morale sera de rester fidèle à mes valeurs et à ce que je crois.

"Quand j'étais petit, j'ai toujours voulu devenir MOI. Mon rêve s'est exaucé !" dit le Chat de P.Geluck.

Je ressens immédiatement quand ma dignité est respectée et quand elle ne l'est pas. Je peux me juger moi-même avec dureté, ou je peux essuyer des critiques malveillantes venant de l'extérieur.

Rêve exaucé ?

2. Ce qui abîme l'intégrité

Quand mes valeurs les plus fortes, constitutives de qui je suis, sont attaquées, il est évident que cela entame mon intégrité.

Un enfant est particulièrement vulnérable, car c'est finalement le seul âge de la vie où l'on n'a d'autre choix que celui de s'abandonner avec confiance à l'adulte. Cela construit toute notre confiance en nous-même et en l'autre, et nous permet d'affronter le monde avec du soutien et de la protection. Lorsque l'on touche à l'intégrité physique ou morale d'un être par définition dépendant, son chemin de vie sera bien sûr de restaurer son image, afin de devenir son meilleur protecteur.

Combien sont nocives les rumeurs lancées tout à trac sur quelqu'un. Je me méfie toujours des "on dit" et des propos rapportés. Qu'il est facile de donner sa version d'une histoire, et de la répandre. Ce qui est rassurant, c'est que la loi de la vie fait que celui qui trahit, trompe et alimente des critiques nocives envers quelqu'un finit toujours par voir ces armes se retourner contre lui.


3. Solutions pratiques pour vivre dans l'intégrité

Stand up for yourself, my friend ! That's it !

Pointer les mauvaises herbes dans le jardin du voisin ne permet qu'une chose bien stérile : ne pas voir les siennes propres ! Qu'il est facile de critiquer, de jeter l'opprobre, de juger une situation sans en avoir les clés, plutôt que de se questionner sur ce que l'on peut faire dans sa propre vie, pour améliorer ses propres relations ?

Vous qui lisez ce texte, que cela vous apprend-t-il sur vous même ? "Rien n'est plus sacré que l'intégrité de votre esprit" dit Emerson.

Combien l'on peut parfois se laisser abîmer, se laisser décrier dans ce que l'on est de plus profond !
Quel dommage, on n'en devient pas meilleur, on devient l'ombre de soi-même, car sachez le bien, mes amis, "chassez le naturel, il revient au galop !"

At the end, it's MY life that I'm living, and only myself know what is important to me. Pas vrai, les amis ?


III. Le mot de la fin

Plus je m'accepte telle que je suis, plus je suis en adéquation avec le monde qui me porte, dixit Em.

L'intégrité est un trésor, et personne n'a de prise dessus, car elle est en nous, pour toujours et pour le meilleur.

J'essaie dans la mesure du possible, de ne point être trop prompte à juger autrui. J'ai une tolérance immense, qui me joue parfois des tours : celui de ne pas réaliser qu'autrui peut me juger de façon injuste, et me faire beaucoup de tort. Mais si je suis ouverte, je ne suis point idiote, et sais garder en tête les leçons de la vie. Les trahisons sont une des atteintes les plus dommageables à l'intégrité, à celle du trahie comme à celle du traître, qui agit avec indignité.

Quelle joie de  me ressourcer à ma terre natale ! Je sens combien cela est bon et légitime de pouvoir revenir librement sur la terre de ses ancêtres, de ses parents, sur sa propre terre, celle où l'on a grandi, où l'on a poussé ! Cette Bourgogne qui m'a vu naître est si belle. Le paysage devant ma fenêtre est le plus évident des cadeaux. La source de la création est ici. 


         
                                                                                                                                       EM


mardi 25 juin 2013

L'HISTOIRE D'ALI (part 3.)

         J’ai décidé d’aller voir Mme Ramoux, après le travail, ce soir. Elle a dit qu’elle serait ravie de me voir. Ça me laisse toujours sceptique, les gens qui me disent ça. J’ai l’impression que je vais les énerver, en faisant je ne sais quoi, ou que je les dérange. Alors je ne reste jamais bien longtemps chez les autres. Quand j’habitais avec Brahim en colocation, j’essayais de passer le plus de temps possible à l’extérieur, afin de ne pas le gêner. C’était chez moi, mais je n’y pensais même pas. Sa copine Fanny dormait là une nuit sur deux. Je ne leur ai jamais dit que ça me gonflait grave, de les voir sur le canapé ou au dans la cuisine tous les deux. Je n’osais pas marquer mon territoire, en fait.  J’admirais comme ils se sentaient à l’aise, dans l’appart’. Chez eux, quoi ! Alice, la fille avec qui je sortais à cette époque, une belle liane rousse, ne venait pas souvent chez moi. Je n’osais pas l’inviter, je pensais qu’on dérangeait. Elle était réservée, cette fille, pas trop confiance en elle. C’était trompeur car elle était magnifique. Moi, j’ai remarqué que fréquemment, les super belles filles peuvent manquer d’une confiance en elles incroyable, qui les rend accessibles et adorables. Tandis que certaines, super moches, mais dotées d’une bonne répartie, peuvent vous faire la vie dure. Elisa, en 3ème, entre autre. La chieuse absolue. Toujours en train de causer d’elle, de ses fringues, de ses parents, cousines, frères… Elle avait toujours un truc à dire, et puis quand je lui demandais un conseil, elle me répondait qu’elle ne savait pas en haussant les épaules, avant de repartir direct sur ses histoires. Elle m’impressionnait beaucoup, même si je ne la trouvais pas terrible physiquement. A la fin, même ses rondeurs, je les trouvais belles. Elle avait une telle confiance en la vie, tellement sûre que ses parents l’attendaient à la sortie du collège. Elle leur tenait tête, ils se fâchaient tous un grand coup, et l’instant d’après, c’était comme s’il n’y avait jamais rien eu. Elle leur faisait la gueule quand elle n’obtenait pas ce qu’elle voulait, et ils lui répétaient qu’avec son intelligence, elle pourrait faire le métier qu’elle voulait. Ça tombait bien, elle voulait être coiffeuse. Héhé, basse vengeance…



                J’ai noté un truc étonnant, depuis que je suis rentré du bled : je me suis remis à la guitare, comme si je n’avais jamais arrêté, et j’ai composé cinq mélodies. Si le Fred savait que j’ai arrêté depuis quatre ans, il m’engueulerait. Lui qui me poussait à entrer au Conservatoire National. « Faut pas pousser, je lui disais. C’est pas comme ça que je vais gagner ma vie ! ». Au bled, c’est revenu naturellement, sans forcer. Et puis, là-bas, j’ai un public acquis. J’ai même joué à la fête du village, sur le podium. Bref, depuis un mois que je suis en France, il m’est arrivé trois coïncidences. Les trois fois où j’ai essayé d’enregistrer mes chansons sur mon MP3 pour l’envoyer à Fred, un compositeur plutôt renommé, il écrit pour Johnny ! et bien, le Youssef a appelé sur mon portable. La 1ère fois, parce que maman se sentait pas bien du tout, et qu’il voulait que j’y aille de suite. La 2ème, car il retrouvait pas la carte grise de la voiture (ça fait des années que j’ai pas conduit sa voiture, je me demande pourquoi il pensait que c’était moi), et la 3ème fois, j’étais en répèt’ avec mon voisin, et là, il m’a pris la tête pour je ne sais quelle connerie, que j’avais faite. Ah oui, je me rappelle : « -Ali, comment comptes-tu gagner ta vie, si tu t’arrêtes deux mois pour partir en vacances ? ». Sur le coup, je lui ai répondu que j’avais fait des économies, et puis d’un coup, ça m’a énervé. Il ne s’est jamais occupé de mon cul, depuis que j’ai quitté la « maison », « ma maison, je te rappelle », comme il dit, et tout à coup, il s’inquiète de mes revenus ? J’avais envie de lui dire que je suis adulte, et que jusqu’à lors, j’ai plutôt bien géré mon autonomie financière, et ne lui ai jamais rien demandé. Je sais que c’est juste un hasard, mais maintenant, quand j’essaie d’envoyer mon enregistrement, je me prépare à son appel ! Je me demande quel rapport il peut y avoir. La Fatima, au Bled, elle me lirait le marc de café et m’expliquerait ça à sa manière…




En même temps, le truc, c’est que je manque de confiance en mon talent. J’ai l’impression
que ce n’est pas pour moi, d’y arriver. C’est pour les autres. Alors quand j’ai une poussée de confiance subite, j’en profite. C’est comme ça que j’ai eu mon travail chez l’assureur. J’y suis allé un jour où je me sentais en pleine forme, et je savais que je présentais bien. Je ne me sentais pas l’arabe de service, l’imposteur. Non, je savais que je ferais du bon travail, qu’ils seraient contents de moi. Et le lendemain, ils m’ont rappelé pour un entretien. Et une semaine après, j’étais en poste. Non pas que ce soit le job de ma vie, mais au moins, je gagne un salaire correct et je finis tôt le jeudi pour ma répèt’.

Mme Ramoux m’a ouvert la porte avec un immense sourire. Quel bonheur de la voir. Elle m’attendait, ça lui faisait plaisir de me voir ! Elle a repéré tout de suite ma guitare, car j’enchainais avec ma répèt’ après. Elle a voulu absolument que je lui joue un truc. Jeux interdits, d’abord. Les vieux, ils veulent toujours ça en premier, à croire que l’histoire de la guitare s’est arrêtée là. Elle était ravie et j’ai continué sur deux trois compos jazz que j’aime bien. Ça m’a fait du bien, de jouer quelque chose pour quelqu’un qui apprécie. J’ai remarqué que je n’ai pas eu de mal à discuter avec elle, après. J’aime pas trop discuter, en général, j’aime pas quand ça dégénère.
Elle m’a laissé un bout de papier pour chez moi quand j’irais me coucher. Je comprends pourquoi les parents l’appelaient « la folle » ! Elle ne fait que ce qu’elle sent. Elle est bonne, cette femme. Elle a l’air heureux. Je ne l’ai que rarement entendu critiquer quelqu’un.

       « Ali, crois en ta voix unique. Ta destinée était de choisir ces parents pour oser affirmer la bonté que tu as dans le cœur. Ils t’aiment, autant qu’ils s’aiment eux-mêmes. La haine n’amène jamais de bonheur. L’amour toujours. Restaure ton identité, ta dignité, car tu le vaux bien, et toi seul peut le faire. Et poursuis TA route. Inchallah ! ».
 J’ai pensé en souriant, à la pub L’Oréal, puis j’ai relu le papier. Mes larmes se sont mises à couler. Putain, j’aime pas ça ! Heureusement, j’étais dans mon lit, seul. J’ai accroché ce papier sur mon frigo, et je le relis chaque fois que je l’ouvre. 

                                                                                                                                                                         EM

lundi 24 juin 2013

L'HISTOIRE d'ALI (part 2)

          Jusqu'où peut-on s'enfoncer dans le désespoir ?
A peine rentré d'Algérie, je me retrouve à croiser Youssef à l'hôpital, alors que je vais voir maman. Il ne me décroche pas un mot, sauf quand l'infirmière rentre, là, il parle. Maman m'appelle Abdel, aujourd'hui. En fait, ça fait bien deux ans qu'elle ne m'a plus appelé par mon prénom. Elle se souvient de ceux de mon père et de mon frère. Moi, je suis personne. Mon père ne semble même pas y prêter attention. Mais moi je sais. Et ça me fait mal. Je suis le seul à venir toutes les semaines. Je viens le mercredi et le dimanche. Je lui amène des fleurs et des fruits, elle aime ça. Là, j'ai des zlabia du bled pour elle. Elle aime bien ces gâteaux écoeurants au miel. 

     Le choc est rude. Je passe du soleil et des sourires algériens, à la grisaille chalonnaise. J'ai de bons amis au bled, je sens qu'ils me respectent et sont fiers de ce que je suis devenu. "Raja Ali", ils m'appellent. Le roi, en hindou. Ils m'appellent comme ça depuis que j'ai passé un an à Mumbai, en Inde, pour mon stage de fin d'étude. Je leur avais ramené des saris et des pierres de quartz, et on avait fumé le narguilé toute la nuit pour que je leur "raconte". Ils aimeraient bien que je me marie avec une de là-bas. Youssef, il m'a dit plusieurs fois : "nous fous pas la honte avec une paysanne de là-bas."


    Allez, je l'emmerde, le Youssef. La Marie aussi, tiens. Elle ne reconnaît pas le seul être humain sur cette putain de terre qui s'occupe d'elle avec respect et bienveillance. L'autre, il lui a tapé dessus la moitié de sa vie, mais elle l'admire. Je serai toujours le vilain petit canard. 
J'ai écrit une carte d'Algérie à la folle du 2ème, Mme Ramoux, et elle m'a répondu. Une grande lettre que je viens de trouver dans ma boîte :


                                      Mon cher Ali,
     Quel plaisir de recevoir ta charmante carte. Je ne t'ai pas oublié. Du tout ! Au contraire, je pensais à toi et ta famille dernièrement. Je me demandais comment se portait votre maman ? Son Alzheimer a-t-il progressé ? 
Pour ma part, je vais plutôt bien. J'ai trois petits fils, qui m'occupent bien le week end et les mercredi, car j'aime les garder. Je me souviens bien de toi à leur âge: 3, 5 et 7 ans. Tu étais si mignon avec tes grands yeux verts, et tu aimais tant venir à la maison. Te souviens-tu ? Quand ça criait un peu trop chez toi, tu descendais avec ton frère, et vous veniez goûter. 
Tu sais, ton père, il était sûrement bien malheureux pour vous traiter ainsi. Il n'avait pas la joie de vivre. Je captais une énergie très opaque émanant de lui, et j'espérais tant pour toi que cela ne t'abîme pas trop. Il devait vous faire porter un bien trop lourd fardeau pour vos petites épaules. Surtout toi, l'aîné. Je te répétais toujours que tu n'étais pas fou, car tu arrivais souvent en pleurant quand Youssef t'avait grondé. Je te trouvais si intelligent pour ton âge, si vif et pétillant, que c'était misère de te voir tout triste. J'aurais aimé que tu joues et t'amuses. 
J'espère que tu te rattrapes maintenant, mon grand ! Raconte moi ! T'es-tu marié ? As-tu des enfants ? Tu es encore jeune, tu as bien le temps. Es-tu heureux ? Où habites-tu ? J'avais su que tu étais parti pour tes études... et maintenant ? 
Moi je suis toujours dans le même immeuble, mais on a déménagé au 1er. L'énergie était meilleure, et mon activité marche encore mieux à cet étage. Je te laisse car ça sonne.

Bien des embrassades pour toi si tu les prends !
                                                                                                              Odette Ramoux 

    C'est dingue, cette vieille Odette est si spontanée. Comme avant, en somme. Lire ses mots m'a laissé les larmes aux yeux. Comme une tapette. Un vrai gars, ça pleure pas pour une malheureuse lettre ! Elle a vu, elle. Je suis pas fou. Je suis pas un fantôme que personne voit. Pourquoi mon père me regardait jamais ? Me décrochait pas un mot, à part des insultes ? Je suis un bâtard ? Pourquoi il a eu des gosses, celui-là, si c'est pour les transformer en souffre-douleur ? 

   Putain Ali, zyva, comme dirait Abdel, tu vas pas nous la jouer martyr ! 
Mais je revendique juste mon droit d'exister. Depuis que je suis né. Juste savoir qu'être là, sur cette terre, j'y ai droit. Que j'ai été un accident ou quoi, je m'en tape. Juste qu'à force de relativiser, j'ai fini par perdre de vue que moi aussi, je peux exiger, crier, dire, faire, penser, CE QUE JE VEUX. Être spolié constamment est fatigant. Retrouver ma dignité d'être humain. Ne pas avoir à quémander, simplement jouir de ce que j'ai. En toute simplicité. N'est-ce pas ça, la vie ? Mme Ramoux me disait toujours : "Profite, mon grand, profite ! Va jouer avec ton frère ! Amuse-toi ! t'es chez toi, ici, tu peux venir autant que tu veux, tu ne me déranges JAMAIS !". Quand on grandit dans une prison, on a envie de pousser les murs, chaque jour de sa vie. L'enfermement ça rend marteau. Surtout si en plus, même dans la prison, on gêne. Moi, si je suis en trop, j'ai envie de partir. Loin. 

    Mais là, depuis que je suis rentré du bled, y a un truc qui me prend aux tripes, putain. Un truc qui vient de loin. Abdel, je t'aime, me laisse pas tomber. On était liés comme les doigts de la main, mon frère. Te souviens-tu ? Mon petit frère, je t'ai protégé contre tout ce que j'ai vu de mal. Et toi, tu me regardais, fier, confiant. Tu savais que rien de mal ne t'arriverait avec moi. Ouais. On a tout traversé ensemble. On a vu les mêmes trucs, même si on a pas été traités pareils. On est différent, mais on se ressemble aussi. Notre complicité, mon frère, elle est gravée en moi. Pour toujours. J'ai jamais pu te dire combien je t'aimais, mais là il est temps. La guerre du Youssef n'a déjà que trop lourdement sévi. A quoi ça rime ? Il va pas détruire aussi notre lien sacré.




    Je me sens attaqué au plus profond de moi, de rentrer dans l'appart familial après ce mois au bled, et que le père m'accueille avec un sarcasme. L'infirmière m'a dit que mon père était venu faire signer des papiers à ma mère concernant las droits de propriété de l'appartement. Je dirais que je m'en fous, que j'en suis parti à 18 ans, et que je n'y mets plus guère les pieds. La transmission semble pas être le fort dans cette famille. Si jamais j'ai des enfants, j'aimerais leur donner beaucoup. Beaucoup d'amour, de choses, de temps. De tout. 
Karima me rappelle pas, elle a du se lasser de moi. Elle est belle, elle a du faire tourner les têtes pendant mon absence. Je lui en veux pas, je me sens pas à la hauteur.
J'ai hâte de reprendre pied, je me reconnais plus. J'ai comme touché le fond de mon être. A quoi ça rime, la vie, dans ces cas-là ? Trouver ma place, oui, c'est ça qui serait juste pour moi. Comment on fait pour l'inventer, cette place ? Et surtout pour oublier tous les empêchements et les brimades pour se donner naissance à soi-même ? Seul. Seul. Seul.

                                                                                                                                       EM

dimanche 23 juin 2013

L'HISTOIRE D'ALI (part 1)


Je m’appelle Ali. Né en Algérie, mais aucun souvenir. Je suis venu en France avec mes parents, lorsque j’avais 4 ans.
On s’est installé à Chalon sur Saône. Pas très ensoleillé, mais on s’habitue à tout. Ou plutôt, les désirs apprennent à s’émousser, pour ne plus être qu’un flot brumeux de vagues envies, dont on ne sait plus trop pourquoi. Mon père Youssef est encore vivant, hélas. Il me débarrasserait bien, celui-là.  Je ne le dirai jamais à haute voix, j’ai peur de la sentence d’Allah.  Car je crois, de manière absolue. Sans détours ni argumentation fallacieuse. Je me dis aussi que Allah sait, alors il m’exaucera peut-être quand ça sera le bon moment. Je n’ai guère confiance en moi, mais je suis adaptable, et sais être « le bon arabe ». « Toi, Ali, c’est pas pareil. Toi, t’es pas une racaille, tu bosses, t’es sérieux, pis tu nous emmerdes pas avec l’Islam. »


La seule chose que je sais faire est écrire. Dire. Exprimer. Par tous les moyens que je possède. Je me demande bien pourquoi. Ma mère, Marie, est d’origine française. Elle est de partout et de nulle part, a-t-elle coutume de dire. Elle est malade depuis quelques années. Elle est plus souvent à l’hôpital qu’à l’appartement. Elle est gentille, je l’aime beaucoup. Je sais qu’elle m’aime aussi, même si elle est toujours de l’avis de son mari.
Elle dit comme lui, qu’un garçon de 24 ans devrait être marié et avoir un bon travail. Je ne sais plus trop ce qu’elle pense, car elle répète souvent des phrases qu’elle a entendu : « la voisine pense aussi que ton attitude est impardonnable ! » Youssef est violent, et fait régner l’ordre domestique tyrannique sans même avoir eu besoin de lever la main sur nous, ou alors si jeunes, que le pli était pris. Une bonne gifle, une claque sur les fesses, puis ne plus nous parler pendant plusieurs jours. On ne savait jamais trop pourquoi, avec Abdel, mon petit frère. Ça semblait ne choquer personne, tout ces cris dans l’immeuble. Mais hier, en allant voir ma mère, la concierge, Mme Mougin, m’a dit, au détour de la conversation : « ben c’est sûr que vous avez pas eu bien de la chance, avec ton frère. Moi, il m’a toujours fait peur, votre père. » Je n’aime pas quand ma mère reprend les phrases de tout le monde comme parole sainte, alors je ne vais pas m’y mettre aussi. J’ai l’habitude de me faire mon idée par moi-même, même si parfois, je me sens perdu. Je proscris la haine et le jugement à l’emporte pièce, et me fie aux petits signes de rien du tout. Mme Mougin, elle tricote des écharpes pour tout le monde, et la mienne est vert d’eau, « pour aller avec mes yeux ».







Petit, vers 5 ans, je me souviens que ma mère pleurait tous les soirs. J’essayais de la consoler. Un soir, elle m’a fichu une gifle. «Pourquoi tu pleures, maman ? » lui avais-je juste demandé.  Puis, mon père était rentré dans la cuisine, et elle avait essuyé ses larmes et s’était mis aux fourneaux. « Qu’est-ce qu’il y a, encore ? » avait aboyé mon père avec sa voix des mauvais jours. « Rien, mais Ali commence à sérieusement me courir sur le haricot, à trainasser toujours dans mes pattes… » J’avais été puni, enfermé dans ma chambre pendant le reste de la soirée. Je préférais ça, finalement, car les repas, sinon, étaient un peu difficiles. Youssef hurlait plus qu’il ne parlait, et si le sel manquait, c’était la catastrophe.
Je crois que je m’en veux à moi-même, en tant qu’homme, de m’être laissé martyrisé ainsi chaque jour de ma vie. Ma mère me protégeait, malgré tout. Avec Abdel, on allait jouer au foot de 8h du matin à 9h du soir, dès qu’on n’était pas à l’école. L’appartement était trop insécure. Une gifle ou un coup de pied si vite arrivés. Mais je crois que les coups, je m’en fichais : au moins, y’avait une douleur physique, qui faisait qu’on savait pourquoi on pleurait. D’ailleurs, c’était la phrase fétiche de ma mère, pour ponctuer les coups de son mari. Mon prof de math de 5ème avait dit un jour cette phrase que je n’ai jamais oublié : « qui aime bien châtie bien ». La boucle était bouclée, j’étais battu et traité ainsi par amour. Ce petit système de torture mentale était bien rôdé. C’est simple, je ne respirais pas, dans le logement familial. Me sentir chez moi ? Je crois que je n’ai jamais vraiment compris ce que cela voulait dire, avant d’avoir mon propre appart.

Je soufflais quand j’allais chez mes grands-parents, à la campagne. Ils me laissaient courir à peu près libre dans la ferme. J’aimais beaucoup les animaux. C’est là que j’ai dû développer cet amour inconditionnel pour les chats, les vaches, les chevaux. Tout ce que je trouvais aux abords de la ferme, même les arbres et les fleurs. On parlait le même langage. Celui des yeux. Pas besoin d’expliquer, on se comprenait. Surtout avec Sidonie, l’ânesse aux yeux gris. Putain, quand elle est morte, j’ai pleuré les larmes de mon corps. Youssef m’appelait « tapette » cet été-là. Ma peine était au-delà des mots et m’avait immunisé.

Minou, le chat de la ferme

Quand je rentrais encore plus bronzé, en septembre, pour la reprise scolaire, ma joie était à son comble, mais s’effondrait en général dès le premier repas. « Mange ton assiette et arrête de parler, Ali. Et cette année, t’as intérêt à augmenter ta moyenne, je te préviens. », répondait mon père à mon regard pétillant et à ma tonne d’anecdotes de la ferme à raconter. La joie emmerdait mon père, clairement, surtout quand elle venait de moi. Elle l’insupportait. Comme quand Karen, ma première copine, appelait à la maison, et qu’il ne me transmettait jamais. Elle ne me croyait pas.
Avec le temps, avec Abdel, mon frère, on s’est dessoudé, ce qui m’ennuie bien, mais je n’y peux rien…

La folle du 2nd, dans l’immeuble, me prenait toujours à part quand on se croisait. Elle gagnait sa vie en lisant les lignes de la main et sa plaque indiquait  Mme Ramoux, Magnétiseuse.  Les parents ne l’aimaient pas, alors je la fuyais aussi. Je me sentais pourtant bien avec elle, car elle me regardait dans les yeux quand elle me parlait. A la maison, mon père ne nous regardait jamais. Il restait assis dans son fauteuil à regarder la TV. Eteinte. Silencieux. Il ne répondait même pas à sa femme. Par contre, quand ses deux collègues venaient le chercher pour aller au bar, il s’animait comme un fou furieux, et devenait « le Chef Youssef », comme il se plaisait à se faire appeler par ses amis. « Quel boute-en-train, ton père, petit ! me disaient-ils. Quelle chance tu as ! ».
Alors comme j’avais de la chance, je ne mouftais pas. Petit, je ne peux pas me plaindre, car je dirais que je n’ai manqué de rien de vital. Mais c’est quand ma mère a commencé à avoir les premiers symptômes de son Alzheimer, que ça s’est corsé. Le Youssef parlait de moins en moins et devenait de plus en plus violent. L’adolescence a été une merveille sans cesse renouvelée de vexations diverses et variées : «  Ferme la bouche, tu rayes le parquet, Ali ! », apparemment j’avais de grandes dents. «  T’es un homme ou une femme ? Maigrichon ! », « Tu vas être petit, comme ton grand-père. Une couille molle celui-là. », « Cache toi, avec autant de boutons, on ne va pas sortir avec toi ! ». Paroles de père. Paire. Perd.
Bref, je pensais que j’étais laid, frêle, sans virilité. Avec les filles, ça n’a pas été simple. Je leur plaisais de prime abord. Le « métisse aux yeux verts », elles m’appelaient en 4ème. Et puis, j’ai poussé d’un coup, jusqu’à dépasser le Youssef. Il a arrêté de m’insulter le jour où j’ai planté mon poing dans le mur à côté de sa tête. En plus, je l’avais croisé en sortant du collège, il ne m’avait pas vu. Je m’étais planté devant lui, et il était passé tout droit. C’est son ami Juan qui s’était retourné : « Youssef, c’est qui ? C’est pas ton fils, dis ? ». Là, il m’avait reconnu, et m’avait dit « à tout à l’heure ! ».
J’ai passé mon adolescence à me pincer pour me prouver que j’existais pour les autres. A me regarder dans la glace de l’entrée, vêtu de mon dernier survet’, pour voir si j’étais beau.  Je me suis rasé en cachette, de toute façon, l’autre se serait moqué de moi. L’impression en moi de ne pas être vraiment un gars. Pas être vraiment un fils. Pas avoir vraiment de famille, de chez moi. Illégitime. Gênant.
Ma mère faisait ce qu’elle pouvait. Elle était gentille avec nous. Elle se laissait faire, car elle admirait son beau Youssef, et s’en voulait sans doute, car au bled, où elle l’avait rencontré (ses grand-parents pied noirs y avaient une ferme), il avait de l’applomb. A 18 ans, ils étaient tombés fou amoureux. Je crois qu’ils ne s’en sont jamais remis. J’ai grandi dans cette légende. Et les légendes sont pleines d’illusions pour ceux qui ne les ont pas vécues. Ils sont allés en France quand j’étais petit. L’occasion rêvée pour Youssef, qui voulait se réaliser en France. Il avait un don de chanteur, depuis longtemps. J’avais une immense admiration pour mes parents. Ça ne s’est pas passé comme ils l’auraient voulu. Youssef a pris un petit boulot dans une banque, ce qui était déjà un honneur, lui répétaient ses patrons. A l’époque, les arabes bossaient sur les chantiers, point barre.
Ma mère, elle perd la boule, maintenant. Mon père boit bien trop. Abdel s’est marié l’été dernier avec Samira. Je n’ai plus personne. La folle du 2nd, je pense à elle de temps en temps, je ne sais pas pourquoi. Je ne me sens pas chez moi dans cette ville. J’ai fait des études de commerce, un BTS puis un IUT. Mon poste dans une boîte d’assurances m’inintéresse.
Je me demande ce que je fous là. Je me sens morcellé comme un vulgaire puzzle. Tout est à redessiner. Quel est le motif ? 


Un vulgaire puzzle

               (à suivre ? on verra !)
                                                                                                                                                        EM


mardi 18 juin 2013

HOME INSIDE

"Les artistes ont un devoir : faire ce qu'ils veulent", dit le sculpteur Bertrand Lavier . Alors ce n'est ni facile ni acquis d'avance, mais en tout cas, c'est bien un des seuls domaines actuels où ce soit possible.

J'ajouterai qu'on ne peut être autre que soi même. Alors nul besoin de faire semblant, de se cacher. Le naturel revient toujours au galop.

Ma jolie maison vient à moi. My home sweet home, to feel free to be myself !

                                                                                                                                                                                                              EM




dimanche 16 juin 2013

THE FRENCH CHERRY "CLAFOUTI" FOR SUMMER TIME !

      It's a such typically french recipe, and soooo easy, that it would be a pity not to bake one !
The famoust one is with cherries, but with apples, pears, plums, strawberries, raspberries, blueberries or bananas, it 's good as well !



Ingredients : GLUTEN FREE VERSION
1 cup Rice or wheat flour (actually, it's perfect with rice flour, because it has to stay flat)
1 cup soy milk
1 egg
1/2 cup of suggar
A spoon of butter
A spoon of honey
Pinch of salt, vanilla, cherry liquor
A big bunch of cherries (unpitted, tastier !)



Recipe :
Mix the ingredients all together. The dough must be quite liquid, as pancake one. Then, pour the dough on the cherries in a flat mold, and cook it for 50 min, a medium oven.


Bon appétit !
                                                                                                                                                 EM

LE CLAFOUTI AUX CERISES D'ANNIE / version gluten free

        Quelle joie de revenir en Bourgogne en juin, les cerisiers sont couverts de fruits !
Un clafouti traditionnel n'étant pas ce qu'il y a de plus léger et digeste sur cette planète, Annie a décidé de concocter une petite merveille :



Ingrédients :
500 g de cerises bien mures
100g de farine de riz complet bio
2 cuillères de fécule de maïs
30 g de beurre ramolli
1 oeuf bio
70 g sucre de canne complet
2 cuillères de miel
30 à 40 cl de lait de soja bio
une pincée de sel
un trait d'eau de vie de cerise
Un trait de crème de cassis ou de gelée de cassis
Amandes effilées pour la déco

Recette :
Verser la farine, l'oeuf, puis un trait de lait de soja et mélanger. Verser ensuite le reste des ingrédients. Faites cuire 50 min à four moyen, en saupoudrant d'amandes et d'un peu de sucre 15 min avant la fin de la cuisson.



OUUUUUUUUUUUPS ! J'allais oublier l'ingrédient TOP secret qui transforme ce banal clafouti en tuerie (il a déja été dévoré à la maison ) : des zestes de citron jaune dans la pâte !


                                                                                 VIVE L'ETE EN METROPOLE !       EM


lundi 3 juin 2013

L'ODEUR DES IRIS MAUVES


                J’aime l’odeur des iris mauves. Pas les blancs, qui n’ont que peu d’odeur, ni les violet sombres, presque noirs, qui me font penser à de grosses mygales, et que je n’ai pas envie d’approcher. Les mauves pâles ont un parfum ténu, aussi léger que leur couleur. Ne dit-on pas iridescent, comme le reflet nacré de l'intérieur de la pétale fragile ?


                                              


                Je n’aime pas les chiens.  Surtout les gros, qui aboient forts, bêtement, remuant de la queue. Dans mes rêves, ces animaux indélicats s’acharnent sur d’élégants paons, qui essaient désespérément de sauver leur majestueuse queue de plumes colorées. Chiens, grossiers personnages,  plus on leur hurle d’arrêter le massacre, plus ils se démènent sur leur innocente proie.
                J’aime les chatons. Encore plus que les bébés humains. Rien de plus mignons et tendre qu’un bébé chat, qui par la suite, deviendra cette créature snob, aux longs membres agiles, qui arrêtera tout pour se fondre dans une flaque de soleil, dès que celui-ci surgit. Ils savent quelles sont leurs priorités !
                Je n’aime pas les gens qui n’aiment pas les chats. En général, on ne s’entend pas, surtout s’ils aiment les gros chiens, ceux qui vous cassent les oreilles. Les gens chats aiment la discrétion et parlent doucement. Certains tentent bien de transformer leur chat en chien, cela s’est vu ! Quel tristesse, que de gommer ce qui fait la beauté du chat, ce concentré de vie sauvage et pure,  à la portée de n’importe quel foyer en lotissement !  Il se contente même de croquettes, parangon de nourriture frelatée, juste bonne à exercer leur puissante mâchoire. Le doux bruit du chat qui croque ses croquettes me berce, dans le silence de la cuisine, à la fin d’une journée bien pleine. Il vient se pelotonner au pied du lit, comme un cadeau à celui qui y dort. Nul ne peut forcer un chat à dormir avec soi, si celui-ci a décidé d’aller en chasse au dehors.
                Le gros berger allemand qui aboie me fait frémir. Non que j’ai peur de lui. Je me moque de lui, j’ai un instinct absolu avec les animaux, et sais à distance, lesquels je peux approcher,  et desquels je dois m’éloigner.  Le gros chien qui s’époumone et épuise le voisinage, celui-là n’est pas dangereux. Il est heureux de donner de la voix, c’est sa manière d’exister. C’est le contraire de la mienne. La douceur me parle, comme je parle la douceur. Elle est moi. Le chien est le tapage. Le chat le câlin de velours tiède.
                J’aime sentir l’iris mauve à la texture de velours. La petite peau séchée qui crisse quand on approche son nez, rappelle le froissement du papier cadeau quand on déballe un trésor. L’iris offre la splendeur de son parfum en toute modestie. Odeur ténue, mais qui marque. Comme celle de la fourrure soyeuse du chat fraîchement lustré, après un consciencieux léchage. Le chien aura beau faire, il sentira le chien. Mouillé, il sentira le chien mouillé, encore pire ! Le chat sent merveilleusement.  Rien. Mais de manière divine.
                                                                                                                                                         EM


samedi 1 juin 2013

Tout est déjà là, il suffit d'oser le voir...

"Quand un discours naturel peint une passion, on trouve dans soi-même la vérité de ce qu'on entend, laquelle on ne savait pas qu'elle y fût, en sorte qu'on est porté à aimer celui qui nous le fait sentir ; car il ne nous fait pas montre de son bien, mais du nôtre", Les Pensées de Pascal, IX, 27. A méditer...

                                                                                                                                                           EM