dimanche 18 août 2013

L'HISTOIRE D'ALI (part.9)

     Morne mornitude longitudinale...
   Ali s'était réveillé avec ces étranges mots dans la tête. Il avait rêvé qu'il chantait devant un public silencieux, dont il ne savait pas s'il appréciait ses chansons ou pas. "Avec des paroles pareilles, tu m'étonnes qu'ils soient dubitatifs, les gens..." s'amusa-t-il.

   La mort de sa mère l'avait laissé comme exsangue. Il avait du mal à sourire spontanément, et gardait un visage figé. Il allait mettre son nez dans l'armoire de vêtements de celle-ci, afin de soutirer les derniers instants de présence olfactive possible. Il avait envie de pleurer, mais ça ne sortait pas facilement. La nostalgie n'était-elle pas le manque de quelque chose qui justement, nous a manqué toute notre vie ? Quelque chose dont on s'est fait une idée, dont on s'est illusionné, mais qui dans la réalité ne donnait pas autant de joie et de bien-être que ce que l'on pensait ? Ali ne gardait aucune nostalgie des moments simples et heureux de son existence. Il se souvenait par exemple très bien de deux nuits mémorables avec deux filles différentes, où c'était du sexe pur, désintéressé, et où il avait juste pris son pied, sans remord. Il gardait un souvenir agréable des deux filles, sans y penser plus que cela par la suite. Ils avaient pris du plaisir, des deux côtés, et tout avait été entier, sans attentes, donc sans frustration. Avec Ninke c'était pareil, ils avaient eu 3 jours merveilleux, et il ne repensait pas à elle avec tristesse, mais au contraire, avec joie. Tandis qu'avec Alice, la rouquine, il en avait bavé. Il avait souffert avec elle, car il n'osait pas lui dire qu'il l'aimait, il ne la sentait pas prête à s'engager. Plus elle fuyait, plus il se sentait accro. Débile. Ils se disputaient beaucoup, rien n'était jamais simple. Et quatre ans après, il pensait encore à elle. La vérité, c'est qu'ils n'étaient pas heureux ensemble, et que cela avait manqué à Ali, alors il était nostalgique. Celles avec qui ça avait été simple, et agréable, il n'y repensait qu'un peu, ça n'encombrait pas sa mémoire. Elles ne lui manquaient pas. Putain de vie ! songea-t-il.

     C'est comme le Youssef. Il ne parlait plus à sa femme depuis des lustres. Il ne la regardait plus. Déjà avant son Alzhaimer, il devait avoir quelques maîtresses, avait pensé Ali, car il l'avait croisé en ville avec une femme sans qu'il le voit, et sa mère paraissait bien amère. Ali s'en fichait éperdument. "Grand bien lui fasse, si ça peut le détendre un peu..." La phrase des Valseuses lui revint en mémoire : "On est pas bien, là, détendu du gland ?"... ou quelque chose dans ce goût là. La classe, ces deux gars. Depardieu l'avait toujours impressionné, et depuis qu'il l'avait entendu se dévoiler dans une émission de radio, il l'aimait beaucoup. Les gars qui marquent ont toujours un truc en plus.... songea-t-il... un truc plus profond... ils restent pas en surface... quelque chose de spirituel, presque... 
    
   Et ben son père avait l'air dévasté par la mort de sa femme. Il traînait son marasme dans l'appartement, restant parfois couché des jours entiers. Morte, elle prenait toute la place. Vivante, elle était quantité négligeable.

  Il était allé sniffer les foulards et les robes de sa mère cette après-midi là, car Youssef faisait venir Emaüs, afin de faire du vide. Ali ne savait pas quoi garder. Quel objet pouvait bien symboliser sa mère ? Une bague ? Une robe ? Il opta pour un pull d'enfant à moitié tricoté, qu'elle avait commencé pour lui, jamais fini. Il se dit qu'il le mettrait sur son fils si jamais il en avait un, juste pour lui dire : c'est ta mamie qui l'a fait.
                                                                                                                                                   EM

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