vendredi 22 juin 2012

Films comparés


DE ROUILLE ET D'OS

Le film de Jacques Audiard, de Rouille et d’os, dévoile un monde bien pessimiste. Sur la forme, impeccable, comme d’hab’, scénar et plans puissants (de la veine de De battre mon cœur s’est arrêté). Malgré la puissance des images d’Audiard et de son sujet, la vision du monde y est parfaitement négative. Pas d’échappatoire, les emmerdes s’enchaînent sans aucune compréhension de la part de ceux qui les subissent. Compréhension qui serait pourtant salutaire pour leur évolution. Depuis la scène du début, la bagarre en boîte de nuit, où Stéphanie, Marion Cotillard, excellente, est assommée par un coup, sans explication, en passant par les scènes de combats de rue suicidaires auxquels participe Ali, jusqu’à la sublime balade entre père et fils dans la neige, qui se termine en tragédie, on se dit : « là, c’est too much ».
La vie amène son lot de tourmentes, pour tout un chacun. Mais ce qui nous arrive a un sens, n’est-ce pas ? Sinon, la vie serait juste une fatalité, sur laquelle on n’a aucune prise… Je n’ai pas pris plaisir à regarder ce film. Il n’y a pas de vraie compréhension de ce qui se passe. Les personnages subissent, et le réalisateur ne remet rien en question, il semble avancer à tâtons dans ce magma glauque et auto-destructeur.
Les quelques scènes que j’ai aimées, sont celles d’amour, vrai, pur et animal, entre Stéphanie, handicapée, et Ali. Quand il la porte dans ses bras, alors qu’elle se traîne discrètement aux toilettes, rampant sur le sol, et le priant, honteuse, de ne pas la regarder. Eclat d’humanité qui transcende tout le reste. Les mots crus que Stéphanie lancent, quand il vient la voir juste après son accident, qui la prive de ses jambes, et qu’il ouvre les fenêtres : « ben, quoi, ça pue ? C’est moi qui pue, je pense… » La rencontre humaine, dans toute sa trivialité, émerge alors. Accepter l’autre dans sa vulnérabilité, dans la vérité du corps.
Mais la laideur des scènes de violence m’a heurtée, et le film m’a laissée un goût amer. Me tirant vers une vision de la vie qui n’est plus la mienne depuis longtemps, et que je suis heureuse de ne plus partager. J’ai beaucoup fermé les yeux pendant la projection, me demandant pourquoi je m’imposais ce spectacle.


TYRANNOSAURE

Tandis que l’extraordinaire Tyrannosaure de Paddy Considine, mettant en scène la rencontre inopinée entre Jospeh, alcoolique violent (Peter Mullan, sublime), et Hannah, bon cœur, femme battue par son mari, apporte un souffle de vie et un plaisir immense. La photo grise, d’une Ecosse austère, tirant sur le réalisme du Dogme, ne nous épargne aucun détail sordide. La différence que je vois entre les deux manières de traiter le sujet, est : que fait-on des épreuves de la vie ? Les feux films montrent exactement le même type de relation : un homme violent et dévasté, seul, pauvre, en perdition, qui rencontre une femme d’un niveau social plus élevé que le sien, qui visiblement a plus de facilités dans sa vie, et qui va pourtant devoir l’aider à surmonter des difficultés. Le traitement en est pourtant très différent. Quand Joseph tue son chien involontairement, par un coup de pied, de rage d’avoir perdu un pari, l’injustice sans appel de la scène, est contrebalancé par la subtilité de sa prise de conscience. Ce qui est fort chez Considine, c’est qu’il emmène le spectateur à comprendre AVEC Joseph, que violenter cet être qu’il aimait plus que tout, est se détruire lui-même. Il ne reste pas dans sa posture de victime, il évolue lentement. Jusqu’à ouvrir son cœur à Hannah. Elle, vivant le martyr avec son mari, dans une relation perverse, lui demande de l’aide, et même s’il est bousculé dans ses habitudes, il l’aide. Et c’est l’histoire d’une entraide, prouvant que l’on se sort de tout, avec un peu d’amour. Ce film ouvre une porte, libère quelque chose de positif, malgré la pesanteur du propos.
Certes, il y a plus gai, et pour chacun des deux films : âmes sensibles s’abstenir. Ce n’est pas parce que quelque chose existe, que je dois la regarder, n’est-ce pas ?
                                                                                                                                               Emilie Jullin

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