mercredi 2 avril 2014

Jimmy P. ou La psychothérapie d'un indien des Plaines et réflexions sur la psychanalyse

      Excellent dernier film d'Arnaud Desplechin, sorti en 2013, loin des univers franco-français universitaires auxquels il nous avait habitués, l'action se passant aux Etats-Unis après la seconde guerre mondiale. Il a quand même gardé son acteur fétiche, Mathieu Amalric, dans le rôle de Georges Devereux, ethnologue français, psychanalysant Jimmy Picard, un indien Blackfoot, qui semblerait avoir gardé des séquelles d'un accident de guerre, l'handicapant de migraines insupportables. Sauf qu'au fil de cette conversation ininterrompue entre les deux hommes, l'histoire intime de Jimmy va émerger, le libérant peu à peu des filets dans lesquels elle le retenait prisonnier sans qu'il le sache. Quel espoir intense nous submerge, à suivre les progrès mutuels de ces deux hommes, qui finalement deviennent amis. L'Indien se reconnecte avec ses racines, et Devereux l'aide à exprimer sa relation étrange aux femmes, en remontant aux 1ères de sa vie : sa mère, sa soeur, sa petite voisine qui aimait se faire tripoter... Et à comprendre combien ces histoires apparement anodines, l'ont influencées dans sa vie d'adulte. Nul concept plaqué dans ce film, la méthode de Devereux étant à l'image de l'homme : libre, fantasque et sympathique. Nul tentation de sombrer dans la déification freudienne du thérapeute, qui saurait tout mieux que son patient, la devise de l'ethnologue étant : " vous êtes celui qui vous connaissez le mieux dans cette vie". 
Le respect profond du thérapeute pour son patient est sans doute est à la mesure de l'aide qu'il peut lui apporter.

                                                            


 C'est cette bienveillance absolue de l'écoutant qui permet à un individu de recoller peu à peu tous les petits bouts de  lui. Ceux qui ont fait une analyse, avec un thérapeute digne de ce nom savent de quoi je parle ! 

En effet, l'humain est doué de parole, c'est sa particularité. Les mots permettent à sa pensée de se construire, autant qu'ils émergent d'elle. Aligner les mots, les souvenirs, les rêves, déceler les analogies, les liens, les contradictions, faire remonter les détails qui se révèlent finalement fondateurs de notre personne, et tout cela devant le miroir que nous tend une autre individualité, c'est la puissance de l'analyse. Oui, parler régulièrement à un individu qui nous aide dans notre chemin de connaissance de nous-même, nous permet de devenir la personne que l'on sait être au fond de soi. De libérer les blocages afin de renouer avec son potentiel personnel, celui que chacun possède à sa naissance, reprendre contact avec sa joie, son énergie vitale... la "cure de parole",  selon les termes de Freud, sert à cela.

Parce que cela se passe aux USA, la psychanalyse semble naturelle, beaucoup plus décomplexée qu'en Europe, même à l'époque, c'est dire !
Le psy ne serait-il point comme une esthéticienne de l'âme ? Qui nous rend de plus en plus beau, sans les vilains points noirs incrustés ? On en ressort avec une peau claire et éclatante. Les impuretés nettoyées. Et pas besoin que ça dure vingt ans, please ! Une durée limitée est gage d'efficacité, et ceux qui disent le contraire ont sans doute des intérêts financiers peu avouables, à garder leurs patients dépendants pendant parfois plusieurs années !



La parole est la connexion la plus forte, peut être, entre les humains. Elle rend notre esprit palpable.
Elle peut aussi l'obscurcir, en s'emballant. Une séance réussie est celle où les mots ont coulé spontanément, où ce qui avait à être dit ce jour-là a pu l'être, et a pu vivre en dehors de nous. Un extériorisation salutaire. Pour faire une analyse efficace, il faut déjà en avoir envie. Vraiment. Ne pas reculer devant le grand inconnu de honte, de vulnérabilité, de tabous, tapi au fond de soi. Car il s'avère qu'il est un ami, et même une part de nous fort utile. Faire face à soi-même, dans la plus grande nudité, sans fard, sans artifice. Et puis un jour, on sent que la page est tournée, que l'on peut arrêter l'analyse, que l'on a franchi un cap. Pour recommencer une analyse des vingt ans après, peut être... il n' y a que vous qui fixez les règles. Moi j'aime bien penser que je peux m'offrir ce supplément d'âme comme je l'offre un massage ou une coupe chez le coiffeur...


Le but du jeu ( de la vie ) n'est-il pas de relier tous les morceaux du puzzle pendant le temps imparti ?

                                                                                                                                                             EM

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