mardi 3 septembre 2013

L'HISTOIRE D'ALI (Part.12)

    Le concert venait de commencer, Ali s'installa sur un tabouret vers le bar. Simone était toute de bleu vêtus, avec des oiseaux sur la tête, et était accompagnée d'un pianiste. Ses chansons étaient à son image, étranges, d'un autre temps, et en même temps, parlant du monde actuel. Il aima particulièrement celle qui parlait des tartes au citron qu'elle concoctait en guise de médicament, dans sa "cuisine / officine". C'était drôle et sensuel en même temps... Ali se surprit à éclater de rire à plusieurs reprises. "Elle a de l'esprit, celle-là. Elle doit pas être d'ici, c'est pas possible" pensa Ali. 
     A la fin du concert, elle bavardait avec des amis, Ali se sentit très intimidé, mais alla tout de même la remercier : " Super concert !
   - Vraiment ? ça t'a plu ?
   - Carrément, j'ai beaucoup ri... T'as du talent.
    - Merci ! C'est quoi ton nom, déjà ?
    - Ali.
    - Ah oui, Ali le Guitar Hero !"
    Ali éclata de rire, se sentant tout sauf un héros. 
   - "Ali le anti-guitar hero, plutôt ! 
   - Allez, on va faire une jam session dans une heure, à la fermeture, le patron nous laisse la salle avec le piano, la batterie... tu as ta guitare ? 
   - Nan, mais je vais aller la prendre... j'habite ici, moi, hélas !" ajouta-t-il avec un clin d'oeil.
  
      Une heure après, Ali était installé avec la petite bande de Simone, quelques habitués, le patron, bref, tous les amateurs de musique, qui voulaient jouer ensemble. Un grand blond appelé Sven se mit à jouer du saxophone, et Simone se mit au piano... Quand le jazz est, quand le jazz est là *... Chacun s'installa, à la batterie, à la basse, Ali à la guitare. L'improvisation allait bon train, chacun semblant habitué à ce genre de boeuf. Au bout d'une heure, ils avaient trouvé leur vitesse de croisière, et ce qui sortait commençait à être pas mal du tout. Au moment du break, le patron du bar mit la main sur l'épaule d'Ali : 
" - Dis moi, mon gars, je savais pas que Châlon recelait un tel guitariste ! Tu joues dans quel groupe ? Pourquoi t'es jamais venu jouer ici ? Peut-être pas assez bien pour toi ...
   - Je n'y ai jamais pensé... Mais pourquoi pas. Je jouais beaucoup avec Fred D. 
   - Ah oui, c'est un chalonnais... Il se débrouille bien, ça marche fort pour lui. Pourquoi tu joues plus avec lui ?" 
A ce moment là, Simone arriva avec des verres dans chaque main :
" - Jouer avec qui ? demanda-t-elle
   - Avec un bon guitariste de jazz qui a été mon mentor...
   - Et avec une incroyable chanteuse de cabaret, tu jouerais ? lança-t-elle avec son air mutin.
   - C'est-à-dire ? Avec toi ? 
   - Qu'en penses-tu ?
   - En fait, j'adore ce que tu fais, je ne sais pas si je serais à la hauteur...
  Le patron du bar les interrompit : " Moi je vous signe de suite pour un concert par semaine pour les deux mois qui viennent... ça vous dirait ? Le dimanche en fin d'après-midi... avec un répertoire évolutif... un peu d'impro comme j'ai vu ce soir...
  - Simone et moi ? demanda Ali
  - Ouais, et pourquoi pas un piano ou un saxo... Une batterie, je sais pas... des tablas peut-être... Moi je vous paye au cachet, on discute de la somme, et après, vous vous partagez ça entre vous...  Alors ?
  - Faut qu'on en parle sérieusement, répondit Simone. Je propose qu'on fasse un concert ensemble dimanche prochain, on aura le temps de faire quelques répèts, et après on avise...
   - Marché conclu", dit le patron en serrant la main d'Ali et de Simone.

      Ali regarda Simone se remettre au piano et commencer à chanter. Il attrapa sa guitare et sut naturellement se mettre sur sa tonalité. Elle improvisait quelque chose très jazzy à propos de l'argent, que c'était bien quand il tombait. Ali cala sur sa voix une pluie de notes légères, et sa guitare répondait aux paroles de la chanteuse, comme l'aurait fait une voix humaine. Ils s'écoutaient tous deux, et osaient improviser, sans réfléchir. Ils étaient tellement dedans qu'ils ne virent même pas les autres, en cercle autour d'eux. Ali aurait été bien incapable d'analyser ce qu'il était en train de jouer. Tout ce qu'il savait, c'est qu'il s'éclatait, que la joie infusait tout son être, et que Simone était belle quand elle chantait. Ils se regardaient, communiquant avec les yeux, et étaient en phase totale. La musique coulait, parfaite, inspirée. Ils allèrent même sur les terres algériennes, avec des sons arabisants, que Simone exploita naturellement avec une sorte de reprise de "Mon amie la ronce", à propos d'une fleur pleine d'épines qui sait se défendre tout seule... Ils partageaient étonnement le même univers sensible, barré, hétérogène, et n'avaient aucune barrière. 
   
      Ils eurent des applaudissements débridés de la part de la vingtaine de personnes présentes, et un contrat pour les 4 dimanche suivants. Ce n'était que peu payé, mais pour Ali, c'était déjà Noël !

                                                                                                                                                         EM
 
*Michel Jonaz

1 commentaire:

  1. belle histoire..... nous voilà rentrés
    à bientôt sur notre boîte e-mail BISES li²

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