mardi 30 juillet 2013

L'HISTOIRE D'ALI (part.7)

    Le festival fini, la belle blonde repartie dans son pays, Ali se retrouva tout seul à Châlon. Comme un con. L'aventure était-elle donc toujours éphémère ? Que fallait-il attendre de la vie ? Si au moins, je pouvais m'enthousiasmer pour l'achat d'un nouveau lave-linge, la vie serait plus facile... Comme les Baudry, mes voisins du dessus, qui attendent le 2ème pour l'automne, et semblent remplir leur 24h quotidiennes plutôt efficacement. Ils ont toujours un truc important à faire, comme rempoter les géraniums, ou aller à Auchan pour les couches... songeait-il en se rasant. Il se coupa. De l'entaille perlèrent quelques gouttes de sang. Vermeil. Il avait au moins ça en lui, un beau sang rouge vif, frais et coulant comme un geyser.

   Ninke lui manquait, et voilà qu'il sentait resurgir en lui la sensation désagréable et bien connue de la mélancolie amoureuse. Plus elles s'éloignent, plus je m'attache, moi ! se lança-t-il en soignant sa coupure. 
Il savait pertinemment qu'ils s'enverraient quelques mails, puis s'oublieraient vite... Elle avait été une parenthèse bien agréable, et lui avait donné ce goût de la magie, où tout parait possible, qui remettait Ali sur des rails. C'est comme l'été quand il touche à sa fin, l'impression que le bon temps est derrière soi, et que tout va s'étirer en tristesse. Est-ce qu'il y a d'autres gars comme moi, dans ce putain de pays ? Des tapettes, diraient mes collègues... Vulnérables, dirait mon ex. Ouais, c'est bien ça : la vulnérabilité, tellement sensible que c'est tout mou à l'intérieur. ça me dégoûte, tiens, quand j'y pense. Beurk. Comme un escargot sans sa coquille. Une limace, quoi...

   Il se mit à rire devant le miroir, et décida de se remettre à la guitare. Comme ça. Soudainement. Il espérait seulement que sa volonté pourrait perdurer plus que la journée, et qu'il s'agissait-là d'une vraie décision. Mais s'y remettre vraiment, pas juste les quelques malheureuses répèts qu'il maintenait comme il pouvait. Il pensa à Fred, qui avait été son prof pendant des années, et qui se moquait de son manque d'ambition. La voix de Fred lui revint aux oreilles : "Avec le niveau que tu as, tu pourrais en faire ton métier, facile. Allez mon pote, bouge toi, personne va le faire pour toi. Tu vas galérer les 1ères années, regarde, moi, ça ne fait que trois ans que je vis de mes albums et mes concerts. Douze ans de tournées dans les bars avant, ça forme un bonhomme".

    Ouais, songea Ali, je pourrais au moins reprendre mes compos, en retravailler de nouvelles, et me trouver un percussionniste. Fred me filera bien des adresses de bars qui me paieraient au cachet, et puis je pourrais faire ça le soir, en plus de mon travail... Je finis tôt. 
   Tout à son idée, il sortit sa guitare de son étui et s'assit sur le canapé. Il aimait sa guitare, il la touchait toujours avec déférence, comme avec la plus prude et respectable de ses maîtresses. Une compagne, celle-là, pour la vie. Jusqu'à ce qu'elle lui tombe entre les mains, en poussière. Il avait envie de s'offrir une guitare folk qui serait parfaite pour ses futurs petits concerts, le blues étant sa musique de prédilection. Mâtinée d'un peu de gnawa du bled, d'un peu de musique algérienne, de voix, de tablas, de darbouquas... son style, quoi, jazz algérico franco déjanté...


  Il appela au travail pour dire qu'il ne pouvait venir aujourd'hui, un imprévu très important ayant surgit ce matin, chose qui laissa son supérieur songeur. Ali ne dit rien de plus, il ne prenait jamais de jours et n'était jamais malade, alors pour une fois, cela sembla passer plutôt bien. Il prit sa voiture et roula jusqu'à son arbre. "Te voilà, mon pote", lui lança-t-il en s'asseyant contre lui. Inspiré et rassuré dans le giron de son grand frêne, il joua toute la journée, ne sentant même plus ses doigts quand le soir tomba, rempli et serein. Les mélodies résonnèrent dans son sommeil bienfaiteur. Création salvatrice !
                                                                                                                                                        EM


1 commentaire:

  1. Salut EM
    une vraie sensibilité et des sentiments connus ...

    Mais la vie est belle et sourit à ceux qui la vénèrent ... Il faut faire sein de cet adage populaire :
    "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir..."
    C'est le chemin de l'Homme...

    En attendant les rebondissements ... dans les prochains épisodes. Merci

    BISOUS DANY !! DONZY

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