mercredi 3 avril 2013

EPISODE 13 : PARISS IS WONDERFULL !



         Je suis cernée par les boutiques, dénuées de charme car dénuées d'authenticité. Tout est plat et creux. La boutique à côté de ma table dans ce mall à ciel ouvert, vend de la déco d'inspiration « french old fashionned »; charmante, mais juste une mascarade : un bout de corail blanc, comme sur la plage de Saint Pierre atture mon regard... Je n'aurais jamais penser que cela puisse se vendre... 50 dollars... Quelques torchons « french », 40 dollars, en fait, tout ce qui fait un peu "french" est recherché. La boutique de chaussures en face de moi s'appelle « LANVIE ». L'orthographe importe peu, tant que ça sounds french !
Alors la question du jour : pourquoi les américains aiment-ils autant la France ? Et surtout, qu'aiment-ils vraiment de la France ?
Ils aiment l'authenticité de Paris, des français, des régions françaises. Pourquoi le french bread ( le pain ) leur plait-il ? Easy : car c'est du vrai pain, au levain, grosse miuche de campagne, contrairement à leur pain de mie industriel blanc, fade et sucré. Ils sont fans de la cuisine française, mais ce qu'ils aiment, en fait, ce sont des aliments qui ont du goût, et non pas noyés dans une épaisse sauce barbecue ou mayonnaise insipide... Le tout aseptisé, tout lisse, tout parfait, au bout d'un moment, ça lasse... On a envie d'un supplément, et pas de ketchup, mais d'âme. Un simple supplément d'âme, qui donne vie à toute chose. Un vieil objet dégotté à la brocante, qui a vécu, nous transporte avec lui. Le châle en crochet que ma mamie s'était tricotté il y a quarante ans pour se tenir chaud le soir devant la TV, je le porte fièrement dans le métro new yorkais, et c'est lui qui m'a valu une belle rencontre avec quelqu'un qui a sû apprécier mon style personnel...

       Ici, dans ce monde aseptisé, je recherche l'eau pure, comme un poisson privé de sa rivière... je prends des bouffées d'oxygène où je peux et dès que je peux. Une discussion un peu moins compassée de quelques minutes dans une boutique, une balade dans la montagne, un café au soleil, un bon roman, une conversation téléphonique avec une amie... C'est tellement peu en comparaison de ce que je reçois d'habitude, dans ma vie ! Mais je sais prendre ce qui se présente !
     Hélas, ressurgissent surtout des sensations parmi les plus éprouvantes de ma vie, lorsque je me suis retrouvée seule dans une grande ville, à 18 ans, venant de perdre ma mère d'un cancer, et me sentant malheureuse de cette vie qui ne me convenait pas. J'ai réussi peu à peu à regagner ma liberté et ma joie de vivre, et le paquebot voguait naturellement. Je suis maintenant à bord du radeau de sauvetage, regardant les bribes de ma joie de vivre s'éparpiller autour de moi, sans que je ne puisse rien retenir... Tout se délite... Où aller pour retrouver ma joie ? Vite, un endroit authentique, qui me permettra de recharger mes batteries, pour organiser le type de vie qui me convient !

         Une vieille dame passe devant moi et je souris en pensant qu'il y a sans doute encore pire qu'ici. Elle a le style "Floride". Visière blanche, rouge à lèvre fushia, permanente blanche impeccable, collier en or clinquant, une canne, sac à main assortis aux chaussures, la mine sèche et contrite, l'air dur, mais « très convenable »... Oui, en Floride, je tiendrais probablement encore moins longtemps ! ça me fait tellement olaisir de savoir qu'il y a pire ! ça me fait éclater de rire ! Mon dieu, que j'ai de ressources en moi, je ne souhaite cette expérience à personne, lâchée ainsi dans cette ville centre commerciale, sans connaître personne, sans rien comprendre aux codes, dans une résidence pour personnes âgées, qui proposent des snacks au chat que je garde... 

      Tout me paraît faux ici, car dénaturé. Coupé de la vérité. Consommer à outrance est s'éloigner de son moi intime, c'est remplir compulsivement le temps, le ventre, les placards, en attendant que quelque chose d'intense arrive... la mort ? Ou pour l'oublier ? Pour ne penser à rien ? La maintenance du matériel acquis tient donc lieu de vie ? Ben alors moi, je n'ai pas de vie possible ici, étant donné que je me suis débarrassée de tout ce que j'avais, et nullement dans l'intention de remplir à nouveau à raz bord ! Je ne plaisante pas, si je n'ai rien à acheter, il n'y a aucun sens à habiter ici, puisque c'est LA SEULE actvité possible, hormis le travail, qui laisse si peu de temps aux américains. Un directeur de spa avec qui j'ai partagé un repas de manière spontanée, m'a confié qu'il est effaré par le mal-être des gens qui viennent se faire masser et dorloter à prix d'or chez lui. Il me dit que leurs corps sont épuisés, qu'ils ont TOUS mal au dos, comme si c'était normal, qu'ils ont TOUS des problèmes de sommeil, qu'ils ont TOUS des soucis digestifs... etc... Leur niveau de stress est élevé, dû aux nombreuses heures de travail, au peu de vacances ( 1 à 2 semaines par an pour la plupart), à la pression sociale : garder la face quoiqu'il en coûte, de payer les factures, les assurances santé, auto, maison... la peur de tomber malade et de ne plus pouvoir assurer toutes les charges... Cercle vicieux.

      Je suis d'autant plus épatée par la capacité qu'ont les gens ici à arborer une sorte de sourire plaqué, une voix tonitruante pour dire que tout va bien, et un tel appétit pour manger et boire toute la journée.
Donner du sens à la vie... n'est ce pas le plus important de tout ?
La chose que je trouve belle ici, est leur image du couple et l'importance qu'ils donnent à la vie familiale. Le couple est vu comme un partenariat, où chacun travaille au bien être de la relation. Bien entendu, ils n'échappent pas au côté « fake » dans leur communication. Chez pas mal de couples, le manque de mots vrais transforme le mariage en grosse machine à faire tourner, coupée de tout amour sincère et de désir spontané. Il se transforme en vitrine qu'il est de bon ton de présenter propre et sans traces de doigts. Une gentille épouse mince et souriante, tenant sa maison parfaitement, des enfants énergiques inscrits dans une bonne école, un mari travailleur et solide, qui s'écroule le vendredi soir dans le canapé avec la certitude qu'il accomplit sa tâche. L'image d'épinal est là, devant mes yeux ébahis, déniaisée par les feuilletons américains regardés de loin en loin à la TV. Ce monde-là, je l'ai maintenant sous les yeux, j'ai peine à le croire vrai ! C'est donc vraiment comme cela, les Etats Unis ? Pourquoi New York ne m'a pas fait cet effet là du tout ? J'y ai vécu un mois idyllique... et ne je ne retrouve aucune vibration, même à San Francisco...

      Je dis avec ferveur : en France, ne perdons pas cette authenticité qui fait notre marque de fabrique ! Ne privatisons pas tous les services publiques ! Ne laissons pas les chaines de fast-food remplacer peu à peu nos petits troquets charmants ! Gardons nos fromages qui puent, plein de bonnes bactéries, qui nous rendent résistants aux microbes ! Gardons notre diète équilibrée basée sur les légumes et un peu de tout, de bonne qualité... 
J'ai acheté une salade bio au supermarché, le lendemain de mon arrivée, le 6 mars. Croyez moi ou non, je l'ai retrouvée au fond de mon grand frigo, intacte, ce matin. Trois semaines au frigo, et elle n'a pas bougé. Qu'en pensez-vous ? Moi, cela me dégoûte. Tant de conservateurs, d'hormones, de pesticides pour transformer le produit pour qu'il reste extérieurement présentable, au détriment de ses qualités intrinsèques de végétal, parfait comme il est... Alors qu'en déduire ? L'aspect extérieur compte-t-il plus que tout ? Est-ce la règle en vigueur aux Etats-Unis ? Un sourire parfait, un maquillage couvrant tout, une politesse exacerbée, des rapports de voisinage faits de cartes, de boîtes de chocolats échangées, du sport pratiqué uniquement pour se fabriquer des pectoraux ou des cuisses de déesse... Les fruits sont énormes et de couleurs vives, mais sans goût..
Cette ville est un énorme gâteau à la crème.
Au secours, par ici la sortie !

                                                                                               The french EM

1 commentaire:

  1. Combien ça coûte la tranquillité, le bien-être, vivre sans peur? C'est quoi le plus important: vivre dans un pais riche ou vivre dans un pais ou il-y-a de l'égalité?

    C'est dommage que, avec la crise en Europe, nos dirigent ont trouvé l'excuse pour importer le model américain (anglo-saxon) et démanteler l'État-providence... :/

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